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C - Une biologie hospitalière en retard de réorganisation

dans un contexte de rééquilibrage des comptes sociaux qui exige de l’assurance maladie de mobiliser rapidement toutes les marges d’économies possibles au-delà des actions déjà engagées.

C - Une biologie hospitalière en retard de réorganisation

La biologie médicale occupe une place importante dans le traitement des patients à l’hôpital. En effet, si de l’ordre de 60 % des diagnostics et suivis thérapeutiques en médecine de ville sont réalisés à partir d’une analyse de biologie médicale, l’agence nationale d’appui à la

45 Ces données sont tirées d’une étude produite par Xerfi en 2011.

performance des établissements de santé et médico-sociaux (ANAP) indique que cette proportion s’élève jusqu’à 80 % en milieu hospitalier.

1. Une réorganisation imposée par la réforme de la biologie L’ordonnance de 2010 prévoit qu’il ne subsiste qu’un laboratoire par établissement de santé, avec des exceptions pour l’Assistance publique-Hôpitaux de Paris, l’Assistance publique-Hôpitaux de Marseille, les Hospices civils de Lyon et les établissements publics à caractère national. Les laboratoires hospitaliers peuvent en revanche être multisites.

C’est le choix fait par exemple par les CHU de Lyon et de Marseille qui ont respectivement choisi d’avoir un seul laboratoire, organisé en plusieurs sites, couvrant l’ensemble de leurs besoins.

Le cadre juridique régissant la biologie hospitalière diffère selon le statut de l’établissement de santé :

les établissements de santé à but lucratif peuvent intégrer des laboratoires mais ceux-ci sont juridiquement indépendants ; pour les établissements publics de santé et les établissements de santé privés d’intérêt collectif, le laboratoire est un service de l’organisme qui ne dispose pas de la personnalité juridique.

La connaissance de la situation actuelle est également insuffisante, l’administration centrale ne disposant pas d’une cartographie des sites de biologie médicale. Selon la direction générale de l’offre de soins, il ressort de la statistique d’activité des établissements (SAE) qu’en 2011 529 établissements de santé, publics ou participant au service public hospitalier, disposaient d’un laboratoire, et que 676 autres ne possédaient pas de laboratoire en propre et sous-traitaient leurs analyses de biologie médicale soit auprès d’autres établissements de santé, soit auprès de laboratoires privés.

La biologie hospitalière doit se réorganiser, à l’instar de la biologie

« de ville », pour faire face aux exigences de la réforme. Cette restructuration peut prendre plusieurs formes puisque, en-dehors des regroupements de laboratoires, des formes de coopérations entre établissements se développement progressivement.

Ces coopérations peuvent se matérialiser par le biais de conventions, mais l’outil privilégié par la réforme pour la mise en œuvre de cette coopération inter-établissements est le groupement de coopération sanitaire (GCS), qui peut désormais permettre depuis l’ordonnance de 2010 à plusieurs établissements d’exploiter un laboratoire commun. Le GCS, qui doit obligatoirement compter au moins un établissement de santé parmi ses membres, permet à des

établissements de santé, des établissements médico-sociaux mais aussi à des professionnels libéraux de mutualiser des moyens pour rationaliser leur activité et gagner en efficience. Il peut revêtir deux formes plus ou moins intégrées :

- groupement permettant la mutualisation de moyens sans constituer un laboratoire commun à ses membres. Les membres restent donc soumis individuellement à l’obligation d’accréditation et tenus au respect de la règle de transmission maximum de 15 % du total leurs examens entre eux ;

- groupement exploitant pour le compte de ses membres un laboratoire commun. Une seule procédure d’accréditation est nécessaire et chaque membre peut alors constituer un site d’exploitation du laboratoire. Les sites ne sont pas soumis, entre eux, à la règle de transmission maximum de 15 % du total des examens.

Ces formes de collaborations sont utiles pour rationaliser l’offre de biologie médicale tout en conservant une offre qui permette de répondre aux situations d’urgence. La coopération peut alors permettre de décharger les laboratoires des petits établissements de santé des examens les plus complexes, pour qu’ils puissent se concentrer sur la gestion des examens courants et des urgences, dans la logique d’une organisation de la biologie hospitalière « de territoire ».

De manière théorique, les coopérations pourraient ainsi permettre d’organiser une biologie hospitalière à trois niveaux :

un premier niveau de proximité, à même de traiter notamment les examens urgents ne requérant pas un haut niveau de spécialité ;

un second niveau, traitant en sus les examens courants avec un plateau technique pour la biologie « froide » de l’ensemble d’un territoire ;

un troisième niveau, qui concernerait les CHU, ayant en plus des examens courants la charge de la biologie médicale spécialisée et de la recherche.

Cette coopération inter-hospitalière est également développée dans d’autres pays. Au Royaume-Uni, la réforme actuelle implique une reconfiguration des laboratoires des établissements de santé, autour de regroupements, dans une volonté d’économies budgétaires. En Suède, la plupart des laboratoires sont placés sous l’autorité des hôpitaux régionaux ou interrégionaux en charge de l’enseignement universitaire : une grande

partie des petites structures hospitalières ne disposent donc pas de laboratoires indépendants.

La réorganisation prévue par l’AP-HP s’inscrit dans cette logique : tous les hôpitaux dotés d’un service d’accueil des urgences disposeront d’un laboratoire pour effectuer des examens rapidement, alors que les examens non urgents seront orientés vers des plateaux techniques lourds.

2. Un mouvement de restructuration encore faible La restructuration de la biologie hospitalière n’en est toutefois encore qu’à ses débuts. Elle n’est pas autant portée par les principaux acteurs que pour la biologie de ville. Au niveau des établissements, les projets de coopération ou de fusion apparaissent complexes et sont rarement considérés comme prioritaires. Les syndicats de biologistes hospitaliers mettent à cet égard en avant un manque de pilotage régional et national de la restructuration de l’offre de biologie hospitalière, même si l’ANAP a engagé une réflexion sur les coopérations territoriales en biologie médicale.

Le Syndicat national des biologistes des hôpitaux a mené une enquête pendant l’été 2012 sur l’avancement de la réorganisation des laboratoires au sein des seuls centres hospitaliers. Sur les 251 réponses obtenues, seulement 33 établissements font état d’une restructuration effectuée :

Tableau n° 18 : enquête sur la restructuration de la biologie médicale dans les centres hospitaliers

Restructuration

Faite 33

En cours 100

En panne 10

Non envisagée 95

Fermeture 2

Sans réponse 11

Source : syndicat national des biologistes des hôpitaux

Comme pour la biologie de ville, la situation est toutefois très évolutive, ce qui rend toute analyse difficile. La DGOS ne recense à l’heure actuelle que quatre groupements de coopération sanitaire (GCS) exploitant un laboratoire conformément à l’article L. 6223-2 du code de la santé publique. D’autres GCS sont en cours de création. La fédération hospitalière de France recense quant à elle huit coopérations et projets de coopération en GCS.

Tableau n° 19 : groupements de coopération sanitaire

Région statut juridique

date de la

création Membres

Aquitaine GCS en cours CH Agen, CH Villeneuve-sur-Lot Auvergne GCS en cours CH Moulin Yeuze, CH Montluçon, CH

Source : fédération hospitalière de France – mars 2013

Une étude sur les gains attendus de la réorganisation des laboratoires hospitaliers de la région Midi-Pyrénées selon un système à trois niveaux a été menée par le responsable du laboratoire du centre hospitalier de Cahors. L’objectif de la réorganisation est de remplacer les 23 laboratoires mono-sites existants en 7 laboratoires multi-sites, avec des niveaux d’activité beaucoup plus élevés. D’après les estimations obtenues, les hôpitaux de la région pourraient réaliser environ 6 M€

d’économies par an mais aussi réduire le coût de l’accréditation, en la mettant en place sur 7 structures au lieu de 23.

La mise en œuvre de cette réorganisation nécessitera toutefois des efforts soutenus. En effet, les modes de fonctionnement diffèrent aujourd’hui fortement d’un établissement de santé à l’autre.

L’harmonisation des procédures est un enjeu majeur, notamment en termes de transport des analyses et d’interopérabilité des systèmes d’information.

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Les différents aspects de la restructuration de l’offre de biologie médicale, c’est-à-dire les fusions ou fermetures des laboratoires mais aussi la mise en œuvre de coopérations, suivent des rythmes différents.

Les biologistes libéraux, soumis dans le même temps à une contrainte tarifaire accrue, ont rapidement compris la nécessité pour eux de choisir entre la mise en œuvre de la réforme dans un cadre regroupé ou la vente de leur laboratoire. Le secteur de la biologie hospitalière a pris du retard.

Ces évolutions posent la question d’un pilotage global de la réforme de telle manière de s’assurer que se met en place une cartographie des laboratoires qui réponde efficacement aux enjeux actuels, dégageant des gains d’efficience grâce à des mouvements indispensables de restructuration, tout en conservant une couverture satisfaisante des territoires de santé, répondant aux impératifs de santé publique.

L’accompagnement de la réforme par l’État apparaît à cet égard encore insuffisant pour assurer sa réussite.