• Aucun résultat trouvé

A.7.1 Etudes de cas

Dans cette section nous explorons la possibilité de réduire effectivement l’écart de performance constaté précédemment sur deux études de cas de rénovation HPE (Minergie) et THPE (Minergie-P), réalisées après 2010 (opérations B11 et B12-13 de notre échantillon).

Opération B11

L’opération B11 concerne la rénovation au standard Minergie d’un immeuble (31 logements, 2’482 m2 SRE) construit en 1956.

Suite à l’écart constaté entre la consommation normée et réelle du bâtiment rénové, un groupe de suivi a été constitué sur demande du propriétaire, regroupant la régie, les exploitants et des experts dans le domaine de l’énergétique du bâtiment, avec pour mandat d’optimiser le fonctionnement des installations et la consommation énergétique. Un suivi énergétique du système de production de chaleur et de la consommation de chauffage a permis d’identifier et mener à bien les actions d’optimisations énergétiques listées ci-dessous (Flourentzou, 2016) :

 Correction des dysfonctionnements du système solaire thermique.

 Baisse graduelle de la température intérieure des logements à l’aide d’un système de régulation prévisionnelle, avec pour objectif une température intérieure de 21°C.

 Réglage de la courbe de chauffe.

 Equilibrage hydraulique du réseau de chauffage.

Ces actions ont toutes été réalisées, à l’exception de l’équilibrage hydraulique du réseau de chauffage, en projet au moment de l’étude. Comme le montre la Figure 33, ces mesures ont permis de réduire graduellement l’indice de dépense de chaleur du bâtiment (IDC ou Ehww).

Figure 32. Evolution de l’IDC du bâtiment B11 suite à des mesures d’optimisation: (1) Réglage du système solaire thermique ; (2) Baisse de la température intérieure à l’aide d’un système de régulation prévisionnelle ; (3) Réglage de la courbe de chauffe ; (4) Equilibrage hydraulique du réseau de chauffage (Source : Flourentzou et al., 2016)

• Baisse graduelle de la température : 30 points de mesure (source: eGain)

• Disparité plus réduite entre les logements les plus froids et les plus chauds.

• Réglage de la courbe de chauffe

• Evolution de l’énergie finale après rénovation (source: Florentzou – ESTIA, 2016)

Début optimisation

Température des logements

 -

Page 67/145 Opérations B12-B13

Les opérations B12 et B23 concernent la rénovation au standard Minergie-P de 2 barres d’immeubles (273 appartements, 19'000 m2 SRE) construits en 1952. Avant rénovation, les bâtiments consommaient environ 150 kWh/m2 de mazout pour le chauffage et la préparation de l’ECS. Entre 2013 et 2014, les bâtiments ont été rénovés au standard Minergie-P ; il s’agissait alors de la plus grande opération de ce type en Suisse.

Cette réalisation a fait l’objet d’un suivi énergétique détaillé (Hollmuller et al., 2017), réalisé dans le cadre d’une subvention du programme P&D de l’Office fédéral de l’énergie (Tornare et al. 2016). Mené en collaboration avec la régie, l’architecte, les concepteurs, les exploitants et des experts en énergétique du bâtiment, ce suivi a permis de mettre en place les réglages et optimisations suivantes :

 Réglage après rénovation de la courbe de chauffage.

 Déblocage d’une vanne de mélange du circuit de distribution de chauffage.

 Réglage des consignes de la récupération de chaleur sur air vicié.

 Optimisation finale de la courbe de chauffage.

Comme l’illustrent les signatures énergétiques (Figure 33), ces mesures d’optimisation ont permis de passablement réduire la demande de chauffage.

Figure 33. Demandes de chauffage des bâtiments B12 et B13, en fonction de la température extérieure, valeurs journalières, avant et après optimisation (source : Tornare et al., 2016)

A.7.2 Résultats

Dans les deux études de cas, on observe une importante réduction de l'écart de performance, par rapport à celui observé dans les 10 opérations de référence étudiées plus haut (Figure 34). Cette réduction se décompose en deux parties :

 Une Assistance à la Maîtrise d’Ouvrage énergie (AMOen) lors de la phase de conception et de réalisation des travaux (attention particulière des acteurs du projet au volet énergie, choix d’une approche par rénovation globale visant un très haut standard énergétique, travaux réalisés conformément aux travaux annoncés dans le dossier d’autorisation, recours à des éléments préfabriqués pour la fermeture des balcons en loggias, etc.). Il en résulte une économie réelle sur la demande de chauffage supérieure à ce qui est observé dans les autres cas (Figure 34, points bleus foncés).

 Une Assistance à la Maîtrise d’Usage (AMU) visant à accompagner les locataires durant la phase d’exploitation, accompagnée d’une phase d’optimisation et de suivi énergétique après rénovation, permettant de réduire encore la demande de chauffage et donc l’écart de performance (Figure 34, points rouges).

Page 68/145 Grâce à ces mesures d'optimisation, la part effectivement réalisée du potentiel d'économie théorique passe dans les deux cas d’environ 65% à 80% (Tableau 10). Le solde est principalement dû aux valeurs optimistes de la norme SIA pour calculer les économies théoriques, en particulier une température des logements à 20°C, au lieu des 21.5°C acceptables par les locataires.

Figure 34. Réduction de l’écart de performance énergétique sur deux études de cas B11 et B12-13 après rénovation : (1) mesures d’optimisation et (2) reste dû à la différence entre les conditions standard

d’utilisation et les conditions optimales d’utilisation

Opération B11

Tableau 10. Effet des mesures d’optimisation sur les économies réalisées

y = 0.0009x2+ 0.1701x

Economies de chauffage théoriques [MJ/m2/an]

Economies de chauffage réalisées [MJ/m2/an] Assistance à la Maîtrise d’Ouvrage énergie (AMOen) Assistance à la Maîtrise d’Usage (AMU)

Gap résiduel valeurs standards optimistes

Page 69/145

A.7.3 Recommandations pour réduire l’écart de performance

Au vu des constats précédents, nous proposons dans cette section quelques recommandations visant à réduire l’écart de performance dans les bâtiments.

 Lors de la phase de planification, distinguer entre les conditions normées d’utilisation (calcul selon les valeurs standards de la norme SIA 380/1), les conditions optimales d’utilisation (celles d’un bâtiment optimisé au niveau énergétique) et enfin les conditions actuelles d’utilisation (celle d’un bâtiment rénové et non optimisé énergétiquement selon les pratiques actuelles observées).

 Après réalisation des travaux, il est important de procéder à une optimisation énergétique de l’exploitation des installations techniques (cf. SIA 2048), ainsi que de sensibiliser les habitants à des comportements adaptés (réglage optimal des vannes thermostatiques, baisse des exigences de températures, ouverture adéquate des fenêtres, moins de stores baissés en journée, …)

 Plus globalement, il convient de réduire la dégradation de la performance énergétique tout au long du processus de rénovation et d’éviter les ruptures dans la chaîne de responsabilité entre les différentes phases du processus, en ayant recours par exemple à des intégrateurs qualifiés.

De façon plus spécifique, nous proposons à la page suivante (Figure 35) une série de recommandations qui ont été recueillies auprès de divers acteurs professionnels (entre autres les participants du CAS en management de l’énergie de l’Université de Genève) et des chercheurs de notre groupe de recherche.

Elles ont été ensuite complétées par des recommandations issues de la littérature.

Cette figure indique, de gauche à droite, l’évolution temporelle du projet (lecture verticale). Les recommandations sont regroupées selon les différentes phases du projet, à savoir l’état des lieux, la conception, la réalisation, la mise en service et l’exploitation. Elles se trouvent également classées par type (lecture horizontale). Elles concernent la performance, l’expertise, la responsabilité, la formation, le suivi et enfin la communication. Par exemple, la quatrième ligne donne les recommandations en lien avec la formation, depuis l’état des lieux jusqu’à l’exploitation du bâtiment. Enfin, dans chaque case sont marqués les acteurs qui seraient principalement concernés par la recommandation.

Les principaux éléments clés sont les suivants :

 Pendant la première phase du projet, le rôle du propriétaire/maître d’ouvrage ainsi que de l’architecte et des ingénieurs est de bien caractériser l’état existant et de cerner les attentes concernant la performance énergétique et les moyens à disposition. La définition d’objectifs de performance énergétique réalistes (conditions optimales d’utilisation), qui sont revus selon l’évolution du projet, est utile et sert de suite comme valeur cible pendant l’exploitation du bâtiment.

 Pendant la phase de conception, il est important que le représentant du maître d’ouvrage cadre bien le projet et définit les rôles et les responsabilités des divers acteurs impliqués, dans une atmosphère de confiance et dans le but d’atteindre une bonne performance énergétique.

 Le plus essentiel dans la phase de construction est de veiller à une bonne qualité d’exécution. Pour ce faire, il faut une bonne communication et coordination entre les acteurs et disposer d’un personnel qualifié.

 La mise en service, qui n’est généralement pas considérée comme phase à part entière, s’avère être un moment clé du processus : trop souvent il y a des ruptures dans la chaine de responsabilité et dans le transfert de connaissances spécifiques du bâtiment et des systèmes installés. Il est essentiel que la mise en service soit faite en présence des acteurs concernés (concepteurs, futurs exploitants, entreprises, …)

 Pendant l’exploitation, il est important de faire un suivi régulier, en gardant en vue l’optimisation continue de la performance énergétique. Les contrôles fréquents permettent de garantir le bon fonctionnement et de déceler rapidement d’éventuels dysfonctionnements. De plus, l’assistance à la maitrise de l’usage s’avère particulièrement intéressante pour sensibiliser les habitants aux bonnes pratiques. Enfin, le feedback entre exploitants et concepteurs ainsi que les retours d’expérience effectués par les groupes de recherche permettent de diffuser les bonnes pratiques.

Page 70/145 Figure 35. Synthèse des recommandations selon les différentes étapes du projet

Page 71/145

A.8 Performances économiques et incidence sur les