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Les bassins mexicains : une initiation à l'hydrologie des bassins volcaniques

Les crues de la normale à l'extrême

3.2 Bassins tropicaux volcaniques

3.2.2 Les bassins mexicains : une initiation à l'hydrologie des bassins volcaniques

a ) Hydrologie du bassin du Santo Domingo

Le bassin du Santo Domingo (30 km2), situé en périphérie de Mexico, s'étend de 2250 à 4000 m, sur les versants orientaux de la Sierra Nevada, formation volcanique apparue il y a environ 1,7 million d'années, à la fin du Pliocène. Le relief est assez marqué, avec une pente moyenne de 0.12 m/m, avant de s’adoucir dans la zone de piémont et de quasiment disparaître à l'entrée de la cuvette de Mexico. Les sols sont généralement très filtrants, épais de plusieurs mètres, voire dizaines de mètres, et correspondent à des andosols déposés par les dernières éruptions contemporaines, évoluant vers l'aval en vertisols (cambisols et feozems), surmontant des cendres anciennes compactées subsistant dans la partie piémont.

Ces dernières, appelées tepetates, affleurent fréquemment sous l'effet de la dégradation de la végétation et de l'érosion, et forment des croûtes indurées générant un fort ruissellement (Servenay, 1997; Zebrowski et al., 1997). Les formes de végétation et d'usage du sol sont étagées selon l'altitude, avec de l'aval vers l'amont : champs de maïs et d'agave, prairies, forêt de pins et chênes, végétation arbustive de montagne .

Le relief induit également une forte variabilité spatiale des averses. Générées en grande majorité par des systèmes convectifs locaux, ces averses sont principalement soumises à des effets orographiques. Elles ont tendance à se développer parallèlement aux courbes de niveau sur les versants, et présentent de ce fait une forte anisotropie spatiale. Par conséquent, sur un bassin très allongé comme le Santo Domingo, les pluies couvrent souvent des superficies très partielles du bassin, correspondant à des bandes altimétriques de 200 ou 300 m.

La plupart des pluies notables ayant touché une partie relativement faible du bassin, il était intéressant d’exploiter ce caractère localisé pour différencier les conditions de production et de transfert des différentes unités du bassin :

- les crues les plus nombreuses proviennent de la partie aval du bassin et du piémont, et sont dues essentiellement au ruissellement à la surface des « tepetates » affleurant sous l’effet de l’érosion; les coefficients de ruissellement de ces sols atteignent très rapidement 80-90% sous une dizaine de millimètres de pluie (Nimlos et Hillary, 1990;

Prat et al., 1997) ; le volume de crue est donc très probablement directement lié à la proportion de ces affleurements; les coefficients de ruissellement observés sur cette partie du bassin se situent entre 10 et 20 %, pour des pluies ne dépassant guère 30 mm.

- la partie montagneuse produit quelques crues, dont les coefficients de ruissellement restent faibles, inférieurs à 5 %, sous des pluies ayant atteint 30 à 40 mm.

Ces estimations des coefficients de ruissellement sont cohérentes avec les observations faites sur les autres bassins, notamment sur le bassin du San Marcos en 1991 et en 1992.

Figure 3.3 : Altitudes et localisation des postes de mesure sur le bassin Santo Domingo

37 A l'arrière plan, le volcan Iztaccihuatl (5200m), derrière la ligne de crête du bassin Santo Domingo. Au premier plan, versant de prairies vers 2500-2800 m.

Végétation de haute montagne, à partir de 3000m. Bois de pins et herbes hautes Stipa Ichu.

Zone de cultures vers 2900 m.

Affleurements des tepetates vers 2400 m.

b) Modélisation des crues en milieu hétérogène

Le modèle spatialisé MERCEDES (Bouvier et al., 1994) a été mis au point pour des bassins hétérogènes comme le Santo Domingo, et s'appuie sur les principes suivants (Fig.3.4):

- le bassin est discrétisé en mailles carrées régulières, sur lesquelles les pluies sont interpolées;

- la pluie nette est calculée pour chaque maille, en fonction d'un schéma de production dont la nature varie selon la classe d'appartenance de la maille. Plusieurs schémas élémentaires sont disponibles, et peuvent être combinés entre eux : intensité d'infiltration, coefficient de ruissellement, réservoir ....

- la pluie nette est transférée à l'exutoire du bassin, à l'aide d'un schéma lag and route appliqué à chaque maille : chaque pluie efficace p(to) à un instant donné to produit un hydrogramme élémentaire à l'exutoire, calculé à partir d'un temps de propagation Tm et d'un temps de diffusion Km (Fig.3.5). La diffusion est assurée par un stockage dans un réservoir linéaire, de capacité Km, et l'hydrogramme élémentaire a pour expression :

T t t

T

t t 0

m 0 2

m 0





+

>

×

×

 

 − +

×

+

<

= when

when

x ) K p(t

) T (t t K

q(t) 1

0 m

m 0 m

exp

∆ x 2

désigne la superficie de la maille élémentaire.

- l'hydrogramme complet de la crue est obtenu par sommation des hydrogrammes produits par chaque maille élémentaire m ;

39 τ

τ τ

d exp

m t

×

×

×

 

− − +

×

=

∑∫

2

0

∆x ) K p(

) T ( t K

Q(t) 1

m m m

La spatialisation proposée permet de prendre en compte l'organisation spatiale du bassin et des pluies, tout en limitant certains inconvénients majeurs des modèles spatialisés. Le fait de considérer les mailles comme étant indépendantes permet notamment de limiter la sensibilité du modèle à la taille des mailles et à la résolution spatiale du MNT utilisé.

Figure 3.4 : Principes généraux du modèle MERCEDES

Figure 3.5 : Fonction de transfert du modèle MERCEDES

c) Application du modèle au bassin du Santo Domingo

L'analyse du modèle a porté principalement sur le transfert, et a consisté à étudier la relation entre les vitesses de transfert et les caractéristiques géomorphologiques locales.

L'interprétation géomorphologique du transfert a fait l'objet de différents travaux qui ont conduit à la définition d'un hydrogramme unitaire géomorphologique (Rodriguez-Iturbe et Valdès, 1979 ; Rodriguez-Iturbe et al., 1982; Moussa, ; Rinaudo; Oliveira et Maidment, 1999), entrant dans le cadre d'une modélisation globale. Notre contribution a porté sur l'interprétation des paramètres de transfert en fonction des variables géomorphologiques locales, et à la prise en compte de la géomorphologie dans une modélisation pluie-débit réellement spatialisée.

Les crues observées en 1992 et en 1993 sur le bassin du Santo Domingo peuvent être reconstituées de façon satisfaisante à partir d’une relation entre la vitesse de l'écoulement Vm, la pente pm et la superficie drainée Sm de la maille m considérée (Moniod, 1983) :

Vm = Vo . pm0.5 . Sm0.2 (a)

complétée par un opérateur de stockage défini par :

Km = Ko.Tm (b)

Les paramètres du modèle sont Vo et Ko.

La relation (a) permet de calculer le temps de parcours Tm de chaque maille m à l'exutoire.

Le calage du paramètre Vo sur les crues observées conduit à des valeurs variant de 4 à 8, augmentant selon la valeur du débit de pointe. Les vitesses V correspondantes à l'exutoire (p=0.005 m/m et S = 30 km2) varient alors de 0.55 à 1.1 m/s, ce qui correspond globalement aux vitesses maximales observées au cours des différents événements. La relation (a) suggère ainsi que l'organisation des vitesses dans l'espace d'un bassin dépend de la géomorphologie locale, et d'un indicateur synthétique relié à la vitesse maximale à l'exutoire de ce bassin.

41 La relation (b) relie linéairement le temps de diffusion au temps de propagation, et l'ajustement du modèle aux crues observées conduit à des valeurs de Ko égales à 0.5. La diffusion introduite dans le modèle a pour objectif de représenter différents effets physiques liés à la variation spatiale des vitesses dans une section transversale, et, pour une section donnée, à la variation temporelle des vitesses en fonction du tirant d'eau. La définition de la relation (b) est essentiellement empirique, bien qu'une interprétation mathématique puisse être recherchée (Dooge, 1973).

Ces "règles" se sont avérées assez bien vérifiées sur l'ensemble des bassins que nous avons étudiés jusqu'à présent, et font l'objet d'une synthèse en cours. Elles peuvent également servir à estimer les conditions de transfert en situation extrême, à partir d'une estimation de vitesse dans une section de référence. Dans le cas du Santo Domingo, les vitesses à l'exutoire ne semblent pas devoir dépasser 1.5 m/s, ce qui conduit à une estimation de Vo= 10 en conditions extrêmes.