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AVIS DECLARATIONS/SCRUTIN ANNEXESencore très élevés, une population très jeune et pour les deux derniers, une

A - Constat général : évolutions démographiques et nouveaux besoins de solidarité

AVIS DECLARATIONS/SCRUTIN ANNEXESencore très élevés, une population très jeune et pour les deux derniers, une

immigration importante.

Hervé Le Bras a également apporté un éclairage sur le taux d’emploi par génération sur la période 1970-2005. Dans les années 1970, la France appartient avec l’Allemagne et les États-Unis à un groupe de pays dont le taux d’emploi des jeunes de 20 à 24 ans se situe dans une fourchette allant de 65 à 75 %. La France décroche assez brutalement vers 1975, au moment de la crise pétrolière, et son taux d’emploi des jeunes rejoint en quelques années celui de l’Italie, entre 40 et 45 % pour ces deux pays sur la période 2000-2005. L’auditionné a indiqué que cette évolution était pour une part liée à l’allongement des études des jeunes qui s’est accéléré au cours de cette période, ce qu’a confirmé lors de son audition Emmanuel Sulzer115 :

« si un jeune actif sur quatre est au chômage, ce chiffre est à pondérer par le taux d’activité de la classe d’âge des 16-25 ans en France : la plupart des 16 25 ans sont encore en études et ceux qui se trouvent sur le marché du travail sont en fait ceux qui sont le moins bien équipés pour l’affronter ».

L’analyse de la proportion d’emplois précaires par générations montre des évolutions similaires (cf. graphique en annexe).

Emmanuel Sulzer, intervenant sur le travail de suivi par le Céreq des cohortes de débutants, c’est-à-dire les nouveaux entrants et les nouvelles entrantes sur le marché du travail qui ont entre 16 et 32 ans, a d’ailleurs confirmé qu’elles et ils étaient confrontés à plusieurs types de précarité : un jeune entrant sur dix reste durablement au chômage au cours de la période d’observation, 15 à 20 % sont confrontés à des

« appels-rejets » du marché du travail où ils travaillent en CDD, en intérim, sans parvenir à se stabiliser dans l’emploi, et un certain nombre de jeunes diplômés voire très diplômés sont en emploi durable mais sur des CDD, parfois dérogatoires aux conditions habituelles de recours à ces contrats.

115 M. Emmanuel SULZER, Chargé d'études au CEREQ, audition du 23 janvier 2020.

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Étudiants

Certains jeunes n’ont pas la possibilité financière de poursuivre des études supérieures. Le soutien économique des parents n’est pas systématique et les besoins s'accroissent quand l’élève doit quitter sa ville de résidence pour aller dans une autre ville où l’offre de formation est plus élevée.

La vie universitaire est souvent une étape difficile pour des étudiants qui doivent faire un prêt pendant leurs études et donc partir avec un “retard” dans la vie professionnelle. De plus, de nombreux étudiants travaillent à côté pour subvenir à leurs besoins, ce qui impacte leur qualité de vie, leurs choix dans les études (continuer ou non) ou encore le temps qu’ils consacrent à ces dernières.

Le prix de la vie et le montant des bourses influencent aussi le choix du lieu des études et donc indirectement de la formation suivie : selon le prix du logement dans certaines villes, les étudiants ne peuvent subvenir au reste de leurs besoins uniquement avec des bourses. Les bourses existantes actuellement sont insuffisantes pour beaucoup d’étudiants notamment ceux qui sont autonomes financièrement. Il existe aujourd’hui des situations de très grande précarité et de détresse chez les étudiants

Jeunes actifs

En fin d’études, il est récurrent que les étudiants et futurs jeunes actifs soient amenés à faire des stages en entreprise. En raison de la faible rémunération des stagiaires, l’entreprise en fait un poste à part entière sur laquelle elle fait reposer son activité courante. De plus, l’apport professionnel et pédagogique n’est plus au rendez-vous (métaphore des “stages photocopieuses”).

L’entrée dans la vie active est également une étape difficile. C’est dû en particulier à la précarité dans l’emploi : CDD, intérim, salariat déguisé, statut de freelance, etc.

Face au défi économique, la nécessité de trouver un travail rapidement ne laisse pas de marge de manœuvre aux jeunes actifs qui se retrouvent à devoir accepter le premier emploi qui leur “tombe sous la main” plutôt que de prendre le temps de chercher un poste qui leur convient. Enfin, devant l’évolution du marché de l’emploi et le contexte économique, les salaires à l’embauche post-études sont jugés plus bas qu’avant.

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2. La question des retraites et de la solidarité entre générations

Selon le lexique de l’Ined, « le vieillissement démographique est l’augmentation de la proportion de personnes âgées dans une population, en raison de la diminution de la fécondité et de la mortalité »116.

L’Ined ajoute qu’il « devrait être l’un des grands changements sociaux de l’humanité au cours du XXIe siècle ». Le tableau en annexe reproduit (pour sa partie allant jusqu’en 2050) les chiffres du scénario dit « central » de l’Ined.

Sauf changement démographique majeur, la croissance de la population française à l’horizon 2050 continuerait à se poursuivre, mais serait intégralement portée par l’augmentation en % des tranches d’âge de 65 à 74 ans et des plus de 75 ans. En nombre d’individus, la population des 0-19 ans augmenterait faiblement en volume, celle des 20-59 ans diminuerait de 0,7 million et celle des plus de 65 ans augmenterait de 8,25 millions – dont + 6, 22 millions de plus de 75 ans.

Ce vieillissement - notons qu’il concerne aussi certains territoires ultramarins117 - pose de multiples questions. L’augmentation du nombre de retraités et retraitées instille le doute sur la capacité de générations d’actives et d’actifs, qui ne seront pas plus nombreux, à financer le paiement des pensions de leurs aînés et aînées. Elle est utilisée comme argument pour engager des réformes qui ne prennent pas suffisamment en compte le levier important que constituerait la réduction du chômage pour pérenniser le financement de notre système d'assurance vieillesse ; ce sujet du vieillissement concerne donc directement l’avenir de notre système de protection sociale qui repose en grande partie sur la solidarité des générations. Il risque d’avoir un fort impact sur la couverture des risques vieillesse et maladie.

S’il faut éviter d’opposer aux jeunes générations118, celles nées du baby-boom, qui auraient profité à la fois de périodes de croissance économique et de retraites généreuses, et laisseraient à leurs enfants et petits-enfants une situation périlleuse, sur bien des points, notamment environnementaux. L’injustice supposément commise pourrait conduire à remettre en cause la chaîne des solidarités. Arnaud

116 « Le vieillissement peut être l’effet d’une augmentation du nombre de personnes âgées (vieillissement par le sommet de la pyramide), conséquence d’une baisse de la mortalité et de l’allongement de la durée de vie moyenne, mais peut être dû aussi à un déficit de jeunes (vieillissement par la base), à la suite d’une baisse de la natalité. Dans ce cas, il peut donc y avoir vieillissement même si le nombre de personnes âgées n’augmente pas. »

117 Sur ce sujet, on pourra se reporter à l’étude du CESE « L’accès aux services publics dans les Outre-mer », Michèle Chay et Sarah Mouhoussoune, janvier 2020, qui note : « la part des plus de 65 ans devrait représenter plus du tiers de la population en Martinique et 28% en Guadeloupe. Ces deux départements souffrent d’un sous-dimensionnement du secteur des services à la personne, dans un contexte d’effritement des solidarités familiales traditionnelles. »

118 Définition et usage de la notion de génération : Arnaud Lechevalier (voir note suivante) a lors de son audition distingué la génération démographique, synonyme de cohorte de naissance ; la génération historique, une génération « en soi et pour soi » ; la génération sociale, qui désigne une collection d’individus qui partagent un même contexte historique et institutionnel (notamment en raison de l’âge d’éligibilité à certaines prestations sociales). « Ceci sans que l’on puisse prêter nécessairement à une génération une conscience collective et encore moins une volition commune ».

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Lechevalier a, lors de son audition119, consacré un long développement à cette question de la justice entre générations, très difficile à appréhender car elle implique de prendre en compte de manière satisfaisante la question du temps, dont les effets sont irréversibles, qui est créateur de différences et source d’incertitudes par nature.

En effet, a-t-il souligné, « un premier problème spécifique des relations intergénérationnelles est l’irréversibilité. Cela veut dire que les générations à venir ne peuvent réclamer leur dû après coup ni modifier les décisions que l’on a prises en leur nom précédemment. ». C’est ce que l’on peut appeler la force du précédent. Par ailleurs, les générations présentes ne peuvent modifier le sort des générations précédentes ni compenser le sacrifice éventuel qui aurait été fait en leur faveur. C’est ce que le philosophe américain, John Rawls, appelle l’injustice « chronologique ».

Cela implique d’aborder les questions de solidarité intergénérationnelle non pas en se fondant sur une conception linéaire du temps – une cartographie de l’avenir fondée sur des probabilités, en se projetant sur des progressions régulières – généralement utilisée dans les discussions sur la réforme des retraites, mais sur ce que l’auditionné a appelé une conception « historique » du temps, « celui que les hommes font ensemble ». L’un des enjeux de la réforme des retraites est d’avoir une narration suffisamment intelligible et crédible pour que les jeunes générations aient confiance dans le fait qu’elles bénéficieront à leur tour, le moment venu, du juste retour des efforts de cotisation qu’elles auront consentis au cours de leur vie active.

L’auditionné a insisté sur l’importance du cadre institutionnel, qui permet de stabiliser ou non les relations entre les générations. Il a mis en avant l’idée qu’une des manières sans doute les plus décisives, de son point de vue, de gérer l’incertitude à l’échelle des générations est de conserver d’importants mécanismes publics parce qu’ils permettent de réaliser entre elles des arbitrages, de garantir la justice, d’organiser et de maintenir la solidarité. Un système de retraite entièrement par capitalisation, où chacun cotise pour soi et obtient à son départ à la retraite un capital liquidé sous forme de capital ou de rente, ne permet pas la réalisation d’arbitrages publics car soumis aux conditions financières du marché.

Ces préoccupations de justice et de solidarité sont également à la base des dispositifs correcteurs des écarts de ressources entre les femmes et les hommes que les systèmes de retraite prévoient, dans la grande majorité des pays européens, souvent à des âges élevés. Ces dispositifs complètent les pensions de droit direct par des droits familiaux (liés au nombre d’enfants) ou par des droits conjugaux (pensions de réversion liées au statut marital).

En France, un système de pensions de réversion aux veufs et veuves, en application du principe de maintien du niveau de vie, a été mis en place. 88 % des réversions concernent des femmes120. On compte au total 4,4 millions de bénéficiaires de droits dérivés fin 2017. La baisse des dépenses est liée pour l’essentiel à des évolutions démographiques (espérances de vie, écart d’âge au

119 Arnaud Lechevalier, économiste, Université Paris 1, Centre Marc Bloch (Université Humboldt de Berlin), Laboratoire interdisciplinaire pour la Sociologie Économique (LISE), audition du 13 février 2020.

120 Les éléments de ce paragraphe sont tirés de HCFEA, « Avis et note sur les pensions de réversion », avril 2020.

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