• Aucun résultat trouvé

Leptoglossus occidentalis

II. 3. … Aux conséquences néfastes

Cette espèce est considérée en Amérique du Nord comme l’un des principaux ravageurs des graines de conifères en vergers à graines4. Cependant, l’importance des dégâts semble varier selon les essences de conifères. Ainsi, la diminution de la proportion de graines pleines (i.e. graines saines et donc viables) de Pseudotsuga menziesii a été évaluée à 70% dans les vergers à graines de Colombie

4 Un verger à graines est défini par l’OCDE comme une plantation de clones ou de descendances sélectionnées, suffisamment isolée ou spécialement gérée pour que les pollinisations exogènes soient inexistantes ou faibles, conduite pour obtenir une production de graines fréquente, abondante et de récolte aisée. Les arbres constituant un verger sont issus de la sélection pour des caractères économiques importants (adaptation au milieu, vigueur, forme, etc.) qui se pollinisent librement ou par croisement artificiels. Ces vergers sont particulièrement utiles dans des programmes de reforestation (Philippe et al. 2006).

PRÉSENTATION DU MODÈLE BIOLOGIQUE

Leptoglossus occidentalis

69

Britannique (Bates et al. 2000). Strong et collaborateurs (2001) ont établi que, sous bonnettes, le nombre de graines pleines par cône de Pinus contorta était réduit à un par une femelle et sa progéniture contre 28 pour le témoin. En revanche sur Pinus albicaulis, la diminution du nombre de graines pleines ne porterait selon les auteurs que sur 0.3-2.1% (Anderton & Jenkins 2001) à 27% (Kegley et al. 2001), comme sur P. cembroides au Mexique (30% selon Cibrian Tovar et al. 1995). Si les dégâts semblent variables selon l’espèce, ils varient également en fonction des stades de développement de la punaise ou plus particulièrement de la période d’alimentation. Ainsi, Strong (2006) en exposant des cônes de P. contorta tout au long de la saison, a montré que la prise alimentaire des femelles au printemps était le plus dommageable pour la production de graines viables. De plus, bien qu’adultes et nymphes soient majoritairement observés sur cônes, les conelets peuvent servir de source alternative de nourriture chez certaines essences lorsque les cônes de deuxième année viennent à manquer. Une telle prise alimentaire peut provoquer l’avortement du conelet et par conséquent avoir des répercussions importantes sur les rendements en graines de l’année suivante. Un avortement de 75% des conelets soumis à des punaises, avec une réduction de 47% du contenu en graines des survivants, est observé chez P. monticola mais les conelets de

P. contorta ne sont quant à eux pas attaqués (Bates et al. 2002). Cependant, le taux d’avortement des

conelets tombe à 10% quand des cônes de deuxième année de P. monticola sont disponibles.

Bates et collaborateurs (2000) qui ont caractérisé les dégâts par radiographie X sur graines

de Pseudotsuga menziesii, montrent un évidement progressif de celles-ci jusqu’à la production de

graines totalement vides (Bates et al. 2001; Lait et al. 2001). Cette hydrolyse des réserves provoque une diminution drastique des capacités germinatives de la graine, seulement 14 à 18% des graines attaquées ont été capables de germer. Ces résultats sont à relier à la modélisation réalisée par Bates & Borden (2005) sur Pinus contorta. Les auteurs ont estimé qu’une densité hypothétique d’un individu par arbre conduirait à une perte de 310 graines (Bates & Borden 2005). Par conséquent, au vue de l’importante valeur marchande de telles graines (compris entre 500 et 5000 $US / kg en fonction des espèces), les dégâts infligés par Leptoglossus occidentalis représentent un impact économique non négligeable dans la zone d’origine où les vergers à graines sont très largement impliqués dans les programmes de reforestation. Les différents travaux menés dans la zone d’origine se sont principalement concentrés sur la caractérisation des dégâts et l’évaluation de l’impact de ce ravageur en vergers à graines. En revanche, l’impact de ce prédateur de graines en peuplement naturel et donc, son impact sur la régénération naturelle n’a jamais été abordé.

En Europe, les conséquences économiques et écologiques de cette introduction pourraient être importantes. Roversi et collaborateurs (2011) ont estimé que depuis l'introduction de la punaise en Italie, la production de graines comestibles de Pinus pinea a très nettement diminué, les récoltes

70

de cônes de 2009 s’étant effondrées. Ces constatations semblent confirmé par les entreprises locales qui ont été contraintes d'arrêter l’exploitation, considérant que les récoltes n'étaient économiquement plus viables (Bracalini et al. 2013). Cependant en Europe, aucune étude précise d’impact quantitatif sur graines n’a pour le moment été menée aussi bien en verger à graines qu’en peuplement naturel (ce dernier point est également valable pour la zone d’origine). De même, aucun test de sensibilité comparative d’essences de conifères exposées aux mêmes insectes en conditions contrôlées n’a été réalisé aussi bien dans la zone native que dans la zone d’invasion.

De nombreuses lacunes persistent concernant l’évaluation des dégâts et, par conséquent, l’impact de cet insecte dans la zone d’introduction. Si l’impact de ce ravageur des graines peut être important, le limiter apparait pour le moment difficile. L’insecte ayant apparemment échappé à ses prédateurs, aucune méthode de lutte efficace n’existe jusqu’à maintenant.

II.4. Moyens de lutte et cortège parasitaire

Le contrôle des populations dans la zone d’origine procède essentiellement de l’utilisation d’insecticides à large spectre (Rappaport et al. 1994; Strong et al. 2001). Les résultats sont variables mais la lutte chimique représente le seul moyen de contrôle " efficace " des populations (Strong 2006). Des piégeages utilisant l’attractivité du rayonnement infra-rouge pour les adultes ont récemment été réalisés à titre expérimental (Takács et al. 2009), cependant aucune technique de piégeage n’existe pour le moment.

Seuls quelques travaux ont considéré le spectre parasitaire, qui apparaît limité dans la zone d’origine. Trois espèces d’Hyménoptères ont été identifiées comme parasitoïdes des œufs, Gryon

pennsylvanicum (Scelionidae), Anastatus pearsalli (Eupelmidae) et Ooencyrtus johnsoni (Encyrtidae)

en Colombie-Britannique et Californie (Bates & Borden 2004; Maltese et al. 2012). Les auteurs ont montré dans leurs études que le taux de parasitisme des œufs pouvait atteindre 30%, avec G.

pennsylvaticum comme espèce largement dominante. A ce titre, cette espèce fait l’objet de récentes

études afin de déterminer l’efficacité et la pertinence d’une éventuelle introduction européenne en vue d’un contrôle biologique (Peverieri et al. 2012; Peverieri et al. 2013; Roversi et al. 2014). Une mouche tachinaire, Trichopoda pennipes, a aussi été observée parasitant des adultes dans la zone américaine envahie et plus exactement dans Connecticut (Ridge-O’connor 2001). J’ai également pu observer au cours de cette thèse de manière assez sporadique des adultes parasités par une mouche tachinaire (œufs directement pondus sur l’insecte ou larves émergeant des adultes pour effectuer leurs pupes). Il semblerait qu’il s’agisse d’Ectophasia crassipennis mais de futures investigations doivent confirmer (ou non) cette identification. Même si les parasitoïdes natifs d’Europe,

PRÉSENTATION DU MODÈLE BIOLOGIQUE

Leptoglossus occidentalis

71

L. occidentalis en Italie (Binazzi et al. 2013), il semble cependant que les parasites et parasitoïdes

indigènes ne soient pas ou peu adaptés à ce nouvel arrivant. L’utilisation de champignons entomopathogènes, Beauveria bassiana et Isaria fumosorosea, récemment testés en Italie et en République Tchèque donnent néanmoins des résultats encourageants (Rumine & Barzanti 2008; Barta 2010).

Bien que considéré comme le principal ravageur des graines de conifères dans sa zone d’origine, de nombreuses lacunes concernant la biologie et l’écologie de L. occidentalis persistent. Ainsi l’impact de cette espèce sur la régénération naturelle des peuplements de conifères, les relations interspécifiques avec les insectes partageant la même ressource, les capacités de dispersion et les causes pouvant expliquer la dynamique particulière des populations de ce ravageur sont pour le moment ignorés ou mal connues. Pour comprendre les facteurs sous-jacents à cette fulgurante invasion et tenter de mettre au point un programme de gestion appropriée, il convient donc de (1) retracer l’origine des populations européennes et (2) de déterminer quelles sont les caractéristiques biologiques et écologiques de ces dernières permettant un tel succès invasif.

73

Partie I

Traçage génétique de l’origine des