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2009 Atelier-Mémoire VI : Réconciliation générale

Dans le document A la mémoire de Germain Muller, (Page 45-49)

Que j'aime ta verdure

Quand par l'hiver, bois et guérets, Sont dépouillés de leurs attraits, Mon beau sapin, roi des forêts, Tu gardes ta parure. »

Les pensionnaires s'y sont assez vite mis ensemble. Certains élèves (Sabrina, Carole, Kévin, Jonathan, Aurélie) se sont joints aux pensionnaires. Marianne et Sabrina s’apprêtent à attaquer la deuxième strophe.

MARIANNE SABRINA : « Mon beau sapin, tes verts sommets... » Les autres se sont arrêtés, elles s'arrêtent aussi.

CLAIRE : Merci à tous ! Je vous propose de nous réunir justement sous ce beau sapin ! Je crois que vous avez préparé, les uns, les autres, des petits cadeaux.

C'est l'effervescence, yeux brillants. Le sapin est maintenant illuminé. Ce sont d'abord les pensionnaires qui distribuent des cadeaux.

SUZANNE : (A Aurélie) Voilà un CD de Madonna, je crois que tu aimes bien danser ! (Aurélie esquisse un petit pas de danse)

MARIANNE : (A Carole) C'est un billet de spectacle, pour aller voir La Budig : tu verras que de nos jours, on peut encore rire, avec l'Alsace et avec les Alsaciens !

ODILE : (A Kévin) Voilà un DVD sur la deuxième guerre mondiale : je sais que ça t'intéresse ! Sabrina, Morgane, Jonathan et Maxime ont aussi reçu des CD, des livres, des DVD.. Après avoir fait des bises aux pensionnaires, ils se montrent les cadeaux les uns aux autres, puis Carole et Sabrina vont chercher les cadeaux pour les pensionnaires et les distribuent. Tout le monde reçoit un petit paquet, sauf Marianne. Les pensionnaires ouvrent les paquets, montrent les cadeaux aux autres.

SABRINA : (A Alice) Madame Alice, on vous a offert ce DVD des aventures de l'Inspecteur Derrick, pour que vous puissiez les regarder autant que vous voulez !

JONATHAN : (A Ernest) Monsieur Ernest, ce livre sur les incorporés de force vous apprendra ce que vous ne saviez peut-être pas encore !

AURELIE : (A Lucie) C'est une Histoire illustrée de l'Alsace en cinq volumes: ça s'appelle Au secours, voilà les Barbares ! C'est à la fois drôle et utile pour découvrir l'histoire de notre région !

Suzanne et Odile ont aussi reçu des livres ou des CD ou des DVD. Le prof déroule une longue écharpe de son paquet, et Claire un flacon de parfum. Ils en profitent pour se reclaquer une bise.

Marianne semble surprise, contrariée, déçue. Les autres l'interrogent du regard, elle hausse les épaules, fait le geste qu'elle s'en moque, les autres se la désignent avec pitié ou au contraire joie mauvaise. Kévin et Jonathan, après s'être concertés, et sur un signe du prof, se sont éclipsés.

LE PROF : (A Marianne) Madame Marianne, je crois que vous n'avez pas reçu de cadeau...

MARIANNE : (Qui n'en croit rien) Jo, ça ne fait rien...ça m'est égal ! Carole et Sabrina viennent de part et d'autre de son fauteuil, un peu en arrière.

LE PROF : Regardez un peu Maxime, je crois qu'il vous en a préparé un.

Maxime s'approche d'elle. Il a son ordinateur portable, qu'il ouvre, et pose sur les genoux de Marianne.

MARIANNE : Mais qu'est-ce que c'est ? Wass isch dess ?

MAXIME : Dess isch e Wuenderkäschte, madame Marianne, c'est une boîte aux merveilles ! Tenez, tapez : « Alfred », là.

Il lui montre et l'aide à taper le nom.

MAXIME : Et maintenant, tapez : « Helmut » Il l'aide.

MAXIME : Vous êtes prête ?

Elle fait signe que oui. Maxime se tourne vers la sortie, fait un signe de tête d'assentiment.

MAXIME : Et maintenant, faites : « Entrée ».

MARIANNE : Entrée ? Mais entrer où ? MAXIME : Là. (Il l'aide à appuyer) MARIANNE : Et maintenant ? MAXIME : Maintenant regardez !

Kévin pousse le fauteuil roulant dans lequel est assis Helmut, très vieux, très digne. Jonathan donne le bras à un vieux monsieur qui marche avec une canne et avance précautionneusement ; il est habillé en costume cravate et porte trois ou quatre rubans (Légion d'honneur, Mérite, Croix de guerre) à la boutonnière : c'est Alfred. Ils arrivent ensemble devant Marianne, qui se met les deux mains devant la bouche.

MARIANNE: Helmut... Alfred... Alfred... Helmut !

CAROLE : Vous voyez, madame Marianne, vous n'avez jamais voulu ou pu choisir entre les deux.

SABRINA : Eh bien nous non plus : on vous a amené les deux !

MARIANNE : Helmut, Alfred, Alfred, Helmut : mais comment est-ce possible, comment avez-vous fait ?

MAXIME : C'est simple, madame Marianne. La dernière fois, quand vous nous avez dit que vous n'avez plus eu de nouvelles ni de l'un ni de l'autre, moi j'ai cherché là-dedans (Il montre l'ordinateur)

MARIANNE : (Stupéfaite, en montrant le portable) Et ils étaient là-dedans ?

MAXIME : Tout est là-dedans, madame Marianne ! Il faut juste savoir bien chercher ! Et quand je les ai trouvés, eh bien... (Il regarde le prof)

LE PROF : ... nous sommes allés les chercher. Et les voilà ! MARIANNE : Helmut, qu'es-tu devenu ? Wass esch us dir wore ?

HELMUT : Bonjour, Marianne ! Als ich das Elsass verliess, kam ich an die russische Front... (il cherche ses mots) le... front russe.

LE PROF : (Il traduit au fur et à mesure) En quittant l'Alsace, il a été sur le front russe.

HELMUT: Im jahre 44 wurde ich schwer verletzt und kam in ein Lazaret.

LE PROF : En 44, il a été gravement blessé, évacué à l'arrière, dans un... (Il cherche ses mots, lui aussi) un lazaret...

HELMUT : ... Un hôpital... Nachdem musste ich wieder an die Front und wurde dort gefangen genommen.

LE PROF : Et puis il est retourné sur le front, où il a été fait prisonnier.

HELMUT: Ja... Prisonnier... Ich bin in Russland geblieben bis 1948.

LE PROF : Il est resté en Russie jusqu'en 1948.

HELMUT: Danach habe ich mein leben in der BRD verbracht.

LE PROF : Et puis, il a fait sa vie en Allemagne de l'Ouest.

HELMUT : Ich wollte nie nach dem Elsass zurück kehren... jamais revenu....

LE PROF : Oui, il dit qu'il n'a jamais voulu revenir en Alsace.

HELMUT: Aber als die junge Leute sich mit mir in Verbindung gesezt haben, sagte ich gleich

« ja ».

LE PROF : Mais quand ces jeunes gens l'ont contacté, il a tout de s ...

HELMUT : (Il l'interrompt et regarde intensément Marianne) ... J'ai dit ...« oui! » Marianne lui donne une main, le regarde, puis se tourne vers Alfred.

MARIANNE : Et toi, Alfred ?

ALFRED : Moi, j'ai continué avec la 2ème DB. On a libéré Strasbourg, puis on a traversé le Rhin, pris Berchtesgaden, le nid d'aigle de Hitler. Quand je suis revenu, je suis retourné à la SNCF : Bischheim, puis Paris, Lyon. J'ai fait du syndicalisme, de la politique. Je n'ai jamais osé te contacter, Marianne, jamais osé revenir. Mais moi aussi, dès qu'ils m'ont téléphoné, j'ai dit oui !

Marianne lui donne son autre main. Sabrina et Carole s'essuient les larmes qui coulent sur les joues de l'autre.

LE PROF : C'est Erckmann et Chatrian, à qui nous devons tellement, ici à Marlenheim, qui ont écrit ceci : « Les plus belles histoires se terminent toutes de la même façon : par des cheveux blancs, et le départ de ceux qu'on a le plus aimés ». Par chance, ceux que nous aimons le plus, nos aînés aux cheveux blancs, auront eu le temps de nous transmettre leur histoire. Il reste bien des détails, bien des précisions, à apporter : c'est autour des Wienachtsbredele et du vin chaud que nous allons les échanger, puisque, enfin, nous pouvons en parler à nouveau ! Redde m'r wieder devun !

Alfred et Helmut ont sorti chacun son harmonica, ils ont joué les premières notes de Douce nuit . Tous ensemble, pensionnaires, élèves, professeur et Claire, chantent « Douce nuit, sainte nuit, Stille Nacht, Heilige Nacht », les uns en français, les autres en allemand, simultanément.

Douce nuit, sainte nuit ! Stille Nacht, Heilige Nacht Dans les cieux, l'astre luit. Alles schläft, einsam wacht Le mystère annoncé s'accomplit Nur das traue heilige Paar Cet enfant sur la paille endormi, Holder Knab' im lockigten Haar, C'est l'amour infini ! Schlafe in himmlischer Ruh ! C'est l'amour infini ! Schlafe in himmlischer Ruh ! Saint enfant, doux agneau! Stille Nacht, Heilige nacht ! Qu'il est grand, qu'il est beau ! Gottes Sohn, o wie lacht

Entendez résonner les pipeaux Lieb' aus deinem göttlichen Mund, Des bergers conduisant leurs troupeaux Da uns schlägt die rettende Stund Vers son humble berceau! Jesus in deiner Geburt !

Vers son humble berceau ! Jesus in deiner Geburt ! C'est vers nous qu'il accourt Stille Nacht, Heilige Nacht ! En un don sans retour ! Die der Welt Heil gebracht, De ce monde ignorant de l'amour, Aus des Himmels goldenen Höhn, Où commence aujourd'hui son séjour, Uns des Gnaden Fülle lässt sehn, Qu'il soit Roi pour toujours ! Jesum in Menschengestalt ! Qu'il soit Roi pour toujours ! Jesum in Menschengestalt !6

A la dernière strophe, les lumières s'éteignent, seules restent allumées celles du sapin. Marianne reste entre Helmut et Alfred, une main dans la main de chacun.

NOIR

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Dans le document A la mémoire de Germain Muller, (Page 45-49)

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