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IV- Le dépistage du cancer de prostate est-il justifie ?

1- Arguments contre

È Bien que le cancer de la prostate soit le cancer masculin le plus fréquent après 50ans et la deuxième cause de mortalité par cancer chez l’homme dans les pays industrialisés, le problème de santé public qu’il pose est à modérer puisque sur un tiers des hommes présentant des cellules cancéreuses prostatiques, seuls 8% d’entre eux développeront un cancer cliniquement significatif et moins de 5% en mourront. (97)

È Le cancer de prostate est encore bien méconnu et notamment, le passage du stade latent au stade symptomatique puisque l’on ne sait toujours pas discriminer les tumeurs qui feront courir un risque vital immédiat au patient de celles qui n’entraîneront pas le décès de la personne. (97)

È Les différentes études menées et publiées sur le cancer de la prostate n’ont pas apporté la preuve que les hommes, non symptomatiques, dépistés par un toucher rectal et/ou par le dosage du PSA aient une espérance de vie et/ou une qualité de vie supérieure aux personnes non dépistées et non traitées. (97)

-La morbidité des traitements curatifs à disposition pour le cancer de la prostate est non négligeable puisque l’impuissance et/ou l’incontinence entraînent une baisse de la qualité de vie des personnes traitées.

È Le PSA est un marqueur d’organe et non de pathologie, cependant, une valeur seuil lui est attribuée pour recommander la réalisation de biopsies.

L’utilisation du PSA pour le dépistage du cancer de la prostate est paradoxale : plus on abaisse sa valeur seuil pour réaliser des biopsies, plus on augmente la probabilité de diagnostiquer un cancer, mais aussi la probabilité de diagnostiquer un cancer ayant des caractéristiques favorables, c’est-à-dire peu menaçant pour le patient. (125) È Le dépistage du cancer de la prostate est régulièrement suspecté d’engendrer une

morbidité psychologique propre. L’anxiété liée au cancer de la prostate semble fluctuer dans le temps selon la survenue d’événements anxiogènes ou l’existence d’une incertitude, augmentant avant ces épisodes et décroissant après eux. L’anxiété des hommes de plus de 55 ans dits « à risque de cancer de la prostate » reste faible (10-15 %). En revanche, de nombreuses études ont montré que le niveau d’anxiété était significativement plus élevé (50 %) pour les patients se présentant au dépistage du cancer de la prostate et que leur motivation principale était de trouver un apaisement au travers de ce dépistage. Si le niveau global d’anxiété diminue après un résultat négatif, il faut noter qu’il ne revient pas au niveau qui était le sien avant dépistage (20-36 %). (125)

Ces résultats sur l’anxiété ne sont d’ailleurs pas spécifiques au cancer de la prostate, toutes les mesures de dépistages des cancers étant responsables d’effets secondaires à court terme, et ce n’est donc pas un alibi pour pointer du doigt le cancer de prostate spécifiquement.

È Le dépistage du cancer de prostate par le dosage du taux de PSA total est pratiqué de manière courante. Cependant, la spécificité des PSA totaux en tant que marqueur du cancer baisse à mesure que des biopsies prostatiques sont réalisées.

Les différentes formes des PSA ont été analysées, (PSA libre, kallicréines 2, nicked fPSA), ainsi que d'autres paramètres dont un modèle de base (comprenant I'age, I'examen clinique, I'échographie endorectale, les résultats des précédentes biopsies) afin d'étudier leur validité intrinsèque pour prédire la positivité des biopsies.

Les résultats résumés dans le (Tableau 22) montrent que les PSA totaux n'ont pas une validité suffisante pour prévoir la positivité des biopsies. L'association des autres dosages permet d'augmenter cette validité (en termes d'aire sous la courbe : ROC) mais reste un peu décevante. (42)

Tableau XXII: Résultats comparatifs des différente formes de dosage.

Modèle ROC (intervalle de confiance 95%)

Log tPSA alone Modèle de base + log tPSA Modèle de base + log fPSA Modèle de base + %fPSA Modèle de base + log hk2 Modèle de base + log intact fPSA Modèle de base + log nicked fPSA

0,496 (0,431-0,560) 0,724 (0,667-0,781) 0,729 (0,672-0,785) 0,760 (0,706-0,815) 0,760 (0,707-0,813) 0,735 (0,679-0,792) 0,740 (0,685-0,795)

È Mais le sujet essentiel d’affrontement n’est pas réellement le coût du dépistage, il ne s’agit pas plus du risque de complications directes des biopsies, ni de la charge psychologique que le dépistage fait peser sur les patients. Non, l’argument central du débat est celui du « surdiagnostic ». Or, comment, à la fois, défendre cet argument et réfuter que les cancers de la prostate dépistés sont traités de façon excessive aujourd’hui ? Mais n’existe-t-il pas confusion de deux termes ? Celui de « diagnostic » et celui de « traitement » ? On peut, sans polémique, assimiler « diagnostic » à « recherche de connaissance » sur un patient. Ainsi, parler de « surdiagnostic » serait parler de « connaissance excessive », notion peu défendable au décours d’une démarche scientifique.

En revanche, sans plus de polémique, on peut assimiler « traitement » à « recherche d’intervention » sur le cours naturel d’une maladie.

Parler de « surtraitement » devient donc tout à fait justifié, comme on peut parler d’intervention excessive. Le problème engendré par le dépistage du cancer de la prostate est alors circonscrit, non à la connaissance, mais à l’utilisation que l’on en fait. (125)

Nous sommes donc confrontés à une situation nouvelle et déroutante où le diagnostic d’une maladie ne doit pas s’accompagner de l’application systématique d’un traitement. Il nous faut à la fois rééduquer nos patients dans leurs attentes et nous même en tant que médecins dans nos pratiques. Ce n’est qu’alors que le dépistage de masse pourra être unanimement accepté. (125)

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