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Analyses des résultats concernant la morbidité psychiatrique chez les réfugies syriens :

pathologies psychiatriques au camp Zaatari

III. Chapitre 3 : analyse et discussion

2.2. Analyses des résultats concernant la morbidité psychiatrique chez les réfugies syriens :

A la fin de la guerre au Kosovo en 1999, et au cours de la mission humanitaire organisé par l’armé militaire marocaine, chez 2800 patients pris en charge dans une population de 150 000 habitants, nous avons retrouvé que la prévalence des troubles anxieux est la plus prépondérante (6’2 % ) avec 34% de ESPT; le reste des consultants présentaient :

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 8 % d états dépressifs,

 8% de troubles psychotiques,

 8% d’affections neuropsychiatriques

 14% de plaintes hypochondriaques et de troubles fonctionnels A Gaza durant 3 mois en 2009, chez 665 et lors de la mission humanitaire menée toujours par l’armé militaire marocaine, la cellule de soutien médico psychologique a noté une prévalence de :

 68 % de troubles anxieux dont 38 % d’ESPT,  10% d états dépressifs,

 2% de troubles psychotiques,  5% affections neuropsychiques,

 15% de plaintes hypochondriaques et de troubles somatoformes. La prévalence de la pathologie psycho traumatique dans le camp Zaatari présenté par l’état de stress post traumatique était de 15 % ; les autres co-morbidités diagnostiquées étaient :

 29 % de troubles anxieux,  27 % d états dépressifs,

 20 % de plaintes hypochondriaques et conduites addictives. La catégorie de patients chroniques, présentaient :

Des troubles psychotiques (12 %) et neuropsychiatriques (12 %) en rupture de traitement qui consultaient généralement pour la dotation en psychotropes.

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Graphique 2 : comparaison des différentes pathologies psychiatries au camp Zaatari, Gaza et le Kosovo

On déduit que dans le camp Zaatari, on trouve moins de troubles anxieux, moins de ESPT, plus d’états dépressifs et plus de troubles somatoformes que dans Gaza et Kosovo où les patients n’ont pas quitté les lieux de drame !

L’étude réalisée par Jong et al 2001 (53) chez 4 groupes de 4 pays, Algérie, Cambodge, Ethiopie et Palestine (Gaza) montre les résultats suivants :

0% 10% 20% 30% 40% 50% 60% 70% 80%

Zaatari Gaza kosovo

ESPT

troubles anxieux états dépressifs troubles somatoformes

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Tableau 2 : récapitulatif des différentes prévalences de l’étude de Jong et al 2007 (53)

Pays ESPT Troubles anxieux Troubles de l’humeur Troubles somatoformes Algérie 37,4 % 37 ,2 22 ,7% 8,3 % Cambodge 28,4 % 40 % 11,5% 9 ,6 % Éthiopie 15,8 % 9 ,6 % 5,2 % 2 ,7% Palestine 17,8 % 13,5 % 9 ,4% 5,3%

On réalise que les réfugiés Erythréens en Ethiopie présentent les prévalences les plus faibles parmi les 4 groupes ; presque la même prévalence de l’ESPT, mais des prévalences bien plus faibles pour les autres troubles, par rapport au camp Zaatari .

Graphique 3 : Zaatari versus Ethiopie

Le résultat en commun entre notre étude et celle de Jong et al, c’est le fait d’avoir moins de troubles anxieux et de ESPT dans un camp de réfugiés.

0% 5% 10% 15% 20% 25% 30% 35% Zaatari Ethiopie ESPT troubles anxieux troubles de l humeur troubles somatoformes

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a. La prévalence de l’ESPT :

Tableau 3 : récapitulatif des différentes prévalences du L’ ESPT de différents auteurs

Cadre d’étude Outils diagnostic

Prévalence

ESPT Population cible Camp Zaatari

2014 DSM IV 15 %

n=7497 réfugiés syriens en Jordanie

Kosovo 1999 DSM IV 34% n=2800 population civile exposée aux trama de la guerre Gaza 2009 DSM IV 38%

n=665 population civile exposée aux trauma de la guerre Algérie Jong et al (2001) (53) DSM IV & CIDI 37 ,4 % n =653 population de la région périurbaine d’Alger, exposée à de larges massacres Cambodge Jong et al (2001) (53) DSM IV & CIDI 28 ,4 % n=610 population exposée à des décennies de violences et d’auto génocides Ethiopie Jong et al (2001) (53) DSM IV & CIDI 15,8 % n=1200 camp de réfugiés érythréens Palestine Jong et al (2001) (53) DSM IV & CIDI 17,8 % Population de réfugiés gazaouis victimes de trauma de guerre entre la 1er et la 2eme Intifada

Les fortes prévalences sont notés à Gaza 38 %, en Algérie 37 ,4% et au Kosovo 34%.

Ces prévalences sont dues peut être au fait de rester dans les mêmes lieux de drame, rester toujours exposés aux différents stimuli sensoriels qui ne font qu’entretenir les symptômes de la pathologie psycho traumatique et entraine l’évolution vers des complications et des co-morbidités tels que les troubles anxieux et les troubles de l’humeur.

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Plusieurs études ont soutenu l'existence d'une relation dose-effet entre les diverses formes de traumatisme de guerre et de la gravité de l’ESPT (Abu-Saba, 1999; Ai et al., 2002. Cardozo et al. 2000; Cheung, 1994; Michultka et al. 1998; Silove et al. 1997 …etc.) Mais bon nombre de ces études sont limitées par leur recours à des mesures d'auto-évaluation plutôt que des entrevues cliniques de diagnostic pour identifier la présence de l’ESPT ce qui entraine une surestimation des résultats (54)

Les faibles prévalences sont notés à Zaatari 15 %, Éthiopie 15,8% et Palestine 17,8 %.

La plus faible prévalence est noté chez la population de réfugiés, ce qui peut être expliqué par le fait de fuir les lieux de guerre vers un camp plus sécurisé .Ainsi on trouve que des familles entières ou des villages en entiers se sont déplacés, ce qui confère un soutien moral et psychique pour les réfugiés.

Dans le camp Zaatari, les deux tiers des consultants sont des femmes et des enfants, c’est la tranche la plus vulnérable surtout les femmes seules sans maris et les adolescentes qui, en plus de la pathologie psychotraumatiques, étaient victimes d’harcèlement et de viols dans le camp.

Les différentes études portant sur l’apparition des symptômes selon le sexe (Ai et al. 2002; Ekblad et al. 2002; Scholte et al. 2004). Eytan et al (2004), suggèrent que les femmes sont plus susceptibles que les hommes dans le fait de développer un ESPT. (54)

Dans notre étude, L’âge des consultants adultes était en moyenne compris entre 30 et 40 ans. Dans leur échantillon de femmes bosniaques déplacées dans une zone de guerre, Dahl et al. (1998) ont constaté que les victimes ayant plus

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de 25 ans sont plus susceptibles de présenter un ESPT .Par contre Cardozo et al. (2000) ont conclu que les personnes de plus de 65 ans présentaient un risque accru de développer un ESPT après la guerre au Kosovo. Bien que la fiabilité de cette découverte a pu être limitée par l'utilisation de mesures d'auto-évaluation, il a été prise en considération dans une étude réalisée par Eytan et al. (2004) qui a enquêté sur les déterminants de symptômes psychotraumatique en Albanie chez des Kosovars. Le constat a été également soutenu par Cheung (1994) qui a enquêté sur l’ESPT chez les réfugiés cambodgiens en Nouvelle-Zélande (54) ; or dans notre étude les consultants sont fait de sujets âgés (+ de 65 ans) étaient rares vue le fait qu’ils restaient dans leur pays, la Syrie, pour veiller sur les biens de la famille.

Les différentes difficultés ou facteurs de maintenance aidant au développement de l’ESPT chez les réfugiés sont :

 La mauvaise qualité du camp selon Jong et al (2001) (53)

 Le retard du traitement des dossiers et l’obtention du titre de réfugiés, les obstacles à l’emploi, la discrimination et la ségrégation raciale, la solitude et l’ennui selon Silove et al 1997. (54)

 L’incidence devient plus élevée si la durée du séjour est inférieure à un an et si le statut juridique n’est pas obtenu dans une étude de Hondius et al (2000), chez une population de réfugiés du moyen orient dans les pays bas. (54)

De ces arguments on peut prédire les facteurs de résilience ou de résistance au développement d’ un ESPT , à savoir la qualité du camp , la qualité des soins offerts en s’ inspirant des vieux principes de Salmon (1917) : une offre de soin de proximité pour les patients, l’immédiateté de leur prise en charge : agir

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rapidement en apportant les soins nécessaires et les décisions appropriées, la simplicité des moyens employés, c’est à dire savoir travailler avec ceux mis à notre disposition, l’expectative : savoir patienter en pariant sur un rapide rétablissement .

b. Les autres troubles anxieux :

Les troubles anxieux au camp Zaatari présente 29 % des cas, une prévalence faible à celle retrouvée au Kosovo 62 % et à gaza 68 % ; cette prévalence peut être due aux mêmes arguments soutenant la prévalence du ESPT retrouvé dans les camps de réfugiés.

Dans l’étude de Jong et al, on trouve la plus faible prévalence est celle du camp des réfugiés érythréens évaluée à 9% (53).

Dans une comparaison entre les vétérans de l’armée libanaise et les Marines, Baddoura 1990 trouve qu’il y a plus de troubles anxieux chez les marines (15% vs 2% vétérans libanais), par ce qu’ils sont préalablement préparés à la guerre (55).

c. Les états dépressifs :

On a retrouvé une prévalence de 27 % pour les états dépressifs ; d’ ailleurs les urgences psychiatriques dans le camp Zaatari étaient faites des états dépressifs majeurs avec passage à l’acte.

Dans son étude sur la dépression majeure et guerre, Karam et al a trouvé chez 658 patients un taux de 41 ,8 % de dépression majeur, et ils ont conclu qu’il y a des facteurs prédictifs à savoir : l’existence d’une dépression en ‘ pré guerre ‘ et l’importance de l’exposition à la guerre (56).

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d. Les troubles somatoformes, les troubles de la personnalité et toxicomanie :

Les troubles somatoformes, le troubles de la personnalité et la toxicomanie étaient d’une prévalence de 20 %, assez proche des prévalences qu’on a trouvé à Gaza et au Kosovo.

Une prévalence de 12 % était retrouvé chez les vétérans libanais versus 2 % chez les forces du maintien de l’ordre du même pays, un résultat que Baddoura (55) rattache aux bénéfices secondaires ; par contre il a trouvé plus de conduite antisocial (toxicomanie, alcoolisme..) et de personnalité psychopathique chez les force du maintien de l’ordre, des moyens utilisés pour favoriser l’enrôlement paramilitaire.

Les troubles somatoformes sont plus fréquents dans un camp de réfugiés quand ce dernier est menacé d’attaque ennemie ou quand les réfugiés craignent pour leur statut juridique (57)

Dans notre étude cela peut être expliqué par le fait que tout un chacun veut trouver un échappatoire quoique momentané à l’oisiveté et aux vrais problèmes(57) ou bien le fait de vouloir s’imposer, et être respecté par les autres réfugiés !

La pharmacodépendance due aux drogues s’ associe à la malnutrition, aux problèmes familiaux et sociaux , aux agressions et aux problèmes de santé , survenant sur un terrain déjà fragilisé physiquement et psychiquement ,et cela ne fait que compliqué la vie déjà difficile du réfugié .( 57 )

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3. La prise en charge psychiatrique et sa particularité : 3.1. La cellule de soutien médico psychologique :

L’hôpital médico-chirurgical de compagne multidisciplinaire marocain a été déployé dans le camp de réfugiés syriens en Jordanie pour porter assistance aux réfugiés en détresse, blessés et aux personnes éprouvés sur le plan psychologique suite à la guerre civile qui sévit en Syrie.

La cellule de soutien médico psychologique assure la prise en charge psychiatrique des réfugiés, un psychiatre et un infirmier spécialisé militaires assurent l’activité psychiatrique ainsi que la psychiatrie de liaison pour les patients hospitalisés dans l’HMCC marocain pour différentes pathologies somatiques, en répondant ainsi à sept objectifs (58) :

 La prise en charge psychologique rapide des victimes et témoins d’événements graves, telles que les scènes de bombardements, d’exécutions..etc.

 Le soutien psychologique éventuel de l’entourage direct de victimes concernées par l’événement grave (personnels de la mission, famille des victimes...)

 Réduire les effets du stress et accélérer le processus de récupération en évitant autant que faire se peut la médicalisation

 Aider à comprendre la nature et la logique des troubles éventuels et rassurer sur leur évolution,

 Repérer les personnes les plus fragilisées et leur conseiller le recours à la consultation spécialisée

 Un rôle de conseil dans le domaine de l’hygiène mentale auprès des responsables de la gestion de crise

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 La cellule intervient en complément du commandement et des acteurs locaux de terrain (l’OMS, L’ UNHCR et différents ONG ainsi que les autorités jordaniennes)

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