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L’affaire Humbert ou la vindicte populaire contre la corruption d’un juriste universitaire égaré en politique

Section seconde : La construction d’une frontière difficilement franchissable entre le savant et le politique

B. L’affaire Humbert ou la vindicte populaire contre la corruption d’un juriste universitaire égaré en politique

Au mois de mai 1902653, la presse révèle les premiers éléments d’une escroquerie qui ne tarde pas à devenir l’une des affaires judiciaires les plus marquantes de son époque : l’affaire Humbert654. Ses protagonistes ne sont pas tout à fait inconnus. Il s’agit même de la fine fleur de la société républicaine. Le père d’un des accusés a été un homme politique de premier rang, et depuis presque vingt ans, les procès qui se sont terminés en faveur des Humbert ont pourtant fait couler beaucoup d’encre. En 1883, Thérèse Humbert, née Daurignac, perçoit un fabuleux héritage en provenance des États-Unis, d’un dénommé Robert-Henry Crawford, décédé en 1877. Une centaine de millions de francs. L’héritière est la belle-fille de l’ancien professeur de droit, maire toulousain, garde des sceaux puis sénateur à vie et président de la Cour de comptes, Gustave Humbert655. Elle a épousé son fils, Frédéric, qui après des études de droit, a embrassé une carrière d’artiste-peintre, qui lui a offert la célébrité656. Thérèse Humbert expliquera que 653 Le procès fort attendu qui devait s’ouvrir au début du mois d’avril ne le sera qu’à la fin du mois. Cf. « L’affaire Crawford-Humbert », Le XIXe siècle, 1902/04/10 (n°11717), p. 3 ; Amédée Blondeaux,

« L’affaire Crawford-Humbert : une succession de 100 millions », Le XIXe siècle, 1902/04/24

(n°11731), p. 3.

654 Le traitement de ce procès retentissant s’avère pourtant assez pauvre. C’est ce que fait apparaître la recension pratiquée par Benjamin F. Martin, The Hypocrisy of Justice in the Belle Epoque, Louisana State University Press, 1984, p. 80. L’auteur fait d’ailleurs remarquer que le dossier Humbert figurant dans les archives de la Préfecture de police comporte de sérieux manques.

655 Cf. Edgar Bourloton et Gaston Cougny (dir.), Dictionnaire des parlementaires français : comprenant

tous les membres des assemblées française et tous les ministres français depuis le 1er mai 1789 jusqu’au 1er mai 1889, avec leurs noms, état civil, états de services, actes politiques, votes parlementaires, etc., op. cit., pp. 373-374.

656 Il est l’élève de Ferdinand Roybet, qui l’initie au style troubadour, alors très en vogue, qui consiste à représenter des anecdotes historiques. Il obtient d’ailleurs la médaille de bronze au Salon de 1893 pour un tableau intitulé « Louis XIII et M.elle de Hautefort » (« Le procès Humbert (d’après la sténographie) », Le Temps, 1903/08/21 (n°15406), p. 4). Cf. Emmanuel Bénézit, Dictionnaire critique

Mme Daurignac mère aurait rencontré Robert-Henri Crawford lors de son passage en France en 1853 et qu’une relation adultère s’était formée entre eux, dont elle était issue. Brouillé avec le reste de sa famille, le vieil américain fortuné l’aurait instituée comme légataire universel par un testament rédigé à Nice, le 7 septembre 1877657. Néanmoins les neveux du défunt, Henri et Robert Crawford, se prévalent d’un autre testament que leur oncle aurait rédigé le même jour que celui avancé par Thérèse, par lequel ils apparaissent chacun comme cohéritiers avec Marie Daurignac. Ces deux derniers consentent pourtant à un arrangement en 1883, aux termes duquel la totalité des titres constituant l’actif de la succession sera mise sous séquestre et placée sous la garde des époux Humbert, qui auront à charge de conserver l’ensemble en l’état jusqu’à la majorité de la jeune Marie. Cette échéance arrivée permettra à l’ensemble des héritiers de convenir d’une issue équitable. Revenant cependant sur leur engagement, les neveux cohéritiers entament une série de procès. Tout d’abord, ce sont les causes qui opposent la famille Humbert aux deux américains, qui s’éternisent en raison de multiples erreurs de procédure. Ensuite vient le tour de celles engagées par leurs créanciers, réclamant le remboursement des dettes qu’ils ont contractées. N’ayant pas encore touché l’héritage, Thérèse Humbert et son mari Frédéric, devenu jeune député de la gauche radicale, mènent il est vrai grand train avec leur famille aux yeux du tout-Paris658, grâce à une multitude d’emprunts qu’ils ont contracté dans l’attente du dénouement de leur affaire, et dont les créanciers tardent à voir arriver le paiement des premiers arrérages.

D-K, R. Roger et F. Chernovitz, 1913.

657 Benjamin F. Martin, The Hypocrisy of Justice in the Belle Epoque, op. cit., p. 85.

658 Le salon des époux Humbert figure parmi les plus courus de la capitale. Il devient un des hauts-lieu de la vie mondaine parisienne, à égalité avec les salons de la baronne Decazes-Stackelberg ou de la marquise de Ganay et attire pas moins de trois futurs présidents de la République, Jean Casimir-Périer, Félix Faure et Paul Déchanel, mais aussi Charles de Freycinet, Louis Barthou, Camille Peltan, le préfet de Paris Louis Lépine et bien d’autres... Les époux s’imposent par ailleurs comme de parfaits amateurs d’art, et se constituent une riche collection privée. Cf. Benjamin F. Martin, The Hypocrisy of Justice in

the Belle Epoque, op. cit., pp. 89-90 et p. 103 et Frédérique Patureau, Le Palais Garnier dans la société parisienne, 1875-1914, Pierre Mardaga, 1991, p. 339.

Les déboires judiciaires des Humbert s’avèrent être, d’après les mots de Pierre Waldeck-Rousseau repris dans le Temps, l’escroquerie « la plus géniale qu’ait pu jamais concevoir cerveau humain »659. Les avantages consentis aux Humbert l’ont été sans aucune vérification de ce qu’ils avançaient. Le premier litige opposant Thérèse à Henri et Robert Crawford ayant débouché sur une transaction, aucun des deux testaments n’avait été présenté, ni même l’existence des consorts Crawford et de leur oncle vérifiée. C’est l’avocat de l’un des créanciers, Pierre Waldeck-Rousseau, qui la remet en cause le premier. Il fait remarquer dans sa plaidoirie, combien il semble étrange que des personnes aussi fortunées que les Crawford n’aient, depuis le début de l’affaire, jamais été domiciliés à aucun endroit660. Alors que le juge chargé de l’affaire s’apprêtait à statuer une nouvelle fois en faveur de Mme Humbert, cette bizarrerie, passée inaperçue jusque-là, renverse le cours du procès. Le magistrat, après avoir repoussé la mise sous séquestre des biens de la succession, obtient de Mme Humbert d’en faire l’inventaire, au domicile de la famille, dans leur hôtel particulier de la rue de la Grande Armée661. Cependant, au matin de ladite opération, les pouvoirs publics découvrent la fuite de la famille662. Ce départ inopiné, ainsi que le coffre-fort, vide des titres recherché663, confirment les soupçons qui étaient nés à l’encontre de Thérèse Humbert. Celle que l’on appelait « la grande Thérèse » se révèle être une manipulatrice née664, qui a créé de toutes pièces cette succession et entraîné avec elle une foule de créanciers crédules qui accordaient tout leur crédit au nom honorable des Humbert665. Découverts en Espagne où ils prétendent s’être rendus pour leur agrément, les Humbert reviennent néanmoins à Paris dans le but de prouver leur innocence.

659 « L’Affaire Crawford-Humbert », Le Temps, 1902/05/11 (n°14942), pp. 2-3.

660 « L’affaire Crawford-Humbert », Le Temps, 1902/05/07 (n°14938), p. 3.

661 « L’affaire Crawford-Humbert », Le Temps, 1902/05/08 (n°14939), p. 3.

662 « L’affaire Crawford-Humbert », Le Temps, 1902/05/10 (n°14941), p. 3.

663 « L’affaire Crawford-Humbert », Le Temps, 1902/05/11, op. cit., p. 4.

664 Elle est souvent décrite ainsi par ceux qui l’ont côtoyée dans sa jeunesse. Cf. « L’affaire Crawford-Humbert », Le Temps, 1902/05/18, op. cit. et loc. cit.

665 En sus des emprunts qu’ils ont contractés, les Humbert ont contribué à la création d’un organisme de prévoyance, appelé la « Rente viagère », dont la faillite laisse exempts plus d’un millier de petits créanciers modestes. Cf. Benjamin F. Martin, The Hypocrisy of Justice in the Belle Epoque, op. cit., pp. 96-97 et 103-104.

On imagine cependant difficilement comment cette fille du peuple, atteinte d’un zézaiement laissant penser à une certaine simplicité d’esprit sous la plume des faiseurs de prose journalistique, a pu organiser une si vaste escroquerie, sans recevoir le soutien de quelque intelligence extérieure. Frédéric Humbert, lui aussi mis en cause dans l’affaire, avait obtenu quelques années plus tôt à la Faculté de droit, un diplôme qui avait dû lui apprendre les rudiments qui lui serviraient à aider sa femme. Néanmoins que penser du beau-père de celle-ci, décédé en 1894 ? Pourquoi les fonctions multiples qu’il avait occupées n’auraient-elles pas pu lui servir à couvrir les agissements frauduleux de son fils et de sa belle-fille ? Dans l’attente du procès, les explications vont bon train quant aux paramètres qui ont permis à Mme Humbert d’échafauder une telle fraude, et la complicité de son beau-père est largement envisagée. Après tout, feu Gustave Humbert était de ces républicains dont le nouveau régime avait fait la fortune666 , tout comme Émile Poubelle, devenu préfet, et Gabriel Compayré, devenu député du Tarn, dont il était collègue à la Faculté de droit de Toulouse! Le modèle négatif du professeur-édile est alors mobilisé pour expliquer le rôle de l’ancien ministre de la justice dans l’affaire. Cette image entache la réputation de l’ancien homme d’État dans toute la presse, de droite comme de gauche. Elle a donc gagné du terrain puisqu’elle est sortie des rangs serrés de la droite. Une correspondance privée d’un avoué du Havre, nommé Parmentier, qui a été inquiété par les autorité, fait naître le doute. Dans une lettre adressée à sa fille alors qu’il craint d’être envoyé devant la Cour d’assise, il dévoile l’implication qui aurait été celle de Gustave Humbert, et promet de s’en servir pour se disculper667. La lettre écrite par l’homme acculé ne saurait cependant faire long feu, et celui-ci ne tarde pas à atténuer ses accusations devant le juge, en affirmant que si Humbert avait rédigé lui-même certains documents, il avait néanmoins pu le faire en toute bonne foi668. Au même moment, la 666 Dès le lendemain du prétendu héritage, les millions du couple Humbert sont utilisés par la presse de droite pour discréditer le très influent Gustave Humbert. La vente du riche mobilier du château des Vives-Eaux, que Frédéric et Thérèse viennent d’acheter, montrerait les contradictions de ces élus de la gauche républicaine, qui se prétendent proches du peuple. Le Gaulois, 1884/08/07 (n°754), p. 1-2.

667 Jean Torlet, « L’affaire Humbert-Crawford », L’Aurore, 1902/05/16 (n°1670), p. 2.

Dépêche de Toulouse publie cependant le témoignage d’un médecin audois,

anciennement proche de Gustave Humbert, qui affirme avoir été escroqué par le ministre en personne. Alors qu’il l’hébergeait dans sa maison de Coursan, Gustave Humbert lui annonça le merveilleux héritage que sa fille était sur le point de percevoir, et en profita pour lui demander un premier prêt de 60 000 francs pour subvenir aux dépens d’un procès assurément victorieux. Bien sûr, il ne revit jamais cette somme et les courriers qu’il adressa à Paris demeurèrent sans réponse669. Chaque journal avance son témoignage exclusif de créanciers malchanceux qui ont été rabattus vers les deux escrocs traduits aujourd’hui en justice, par Gustave Humbert lui-même670. Le bruit de la culpabilité de l’ancien ministre républicain se répand partout. Aucune tendance politique ne semble faire exception, même si certaines allégations à l’encontre de l’ancien ministre671 sont repoussées comme calomnieuses par les journaux les plus modérés672.

Les accusations graves dont est sujet Gustave Humbert, et qui lui sont par ailleurs strictement personnelles, sont la résultante de la suspicion qui pèse habituellement sur le professeur de droit débordant les champs autorisés du professorat et de l’expertise juridique673. Le corps professoral reste dans l’ensemble muet face aux accusations portées contre un ancien collègue porté en haute estime. C’est pourtant à travers un événement au 669 « La succession Crawford », Le Journal des Débats politiques et littéraires, 1902/05/18 (n°137), p. 3.

670 « L’affaire Humbert-Crawford », Le Journal, 1902/05/25 (n°3524), p.3 ; « L’affaire Humbert-Crawford », L’Aurore, 1902/06/25 (n°1710), pp. 2-3 ; « L’affaire Humbert », Le Temps, 1903/01/04 (n°3871), p. 1.

671 Le défunt ministre est aussi accusé d’avoir précipité le krach de l’Union générale à des fins de profit personnel. Les anciens supports de l’union banquaire profitent en effet des coups qui lui sont portés pour l’accuser d’avoir perçu des subsides pour entraîner l’échec de cette banque catholique, qui avait été conçue pour rivaliser avec celles tenues par des juifs. Le Gaulois publie en effet la lettre d’un caissier du Comptoir d’Alsace qui affirme avoir reçu en dépôt de l’ancien ministre la somme de 500 000 francs après l’arrestation de Paul Bontoux, principal commanditaire de l’Union. Paul Bontoux profite de l’affaire Humbert pour affirmer une nouvelle fois la thèse qui lui est chère à propos de l’échec de l’Union générale et accuse le ministre défunt de s’être laissé corrompre par le « lobby juif ». Cf. Jean Bouvier, Le Krach de l’Union générale 1878-1885, Presses universitaires de France, 1960 ; Jeanine Verdes, « La presse devant le krach d’une banque catholique » : l’Union Générale (1882),

Archives de sociologie des religions, Vol. 19, n°1 (1965), pp. 125-156.

672 Le Temps, 1902/06/12 (n°3665), p.3 ; « L’Union Générale et la République », L’Aurore, 1902/09/07

demeurant insignifiant et circonscrit, mais profondément symbolique, que l’Université condamne la présumée attitude frauduleuse de son ancien agent. « L’affaire Humbert entraîne même la chute d’un buste », lit-on dans le Journal674. Le professeur toulousain Antonin Deloume, qui avait pour habitude de saluer avec déférence le buste de son « illustre et savant maître » qui se trouvait derrière sa chaire, a sollicité son doyen afin que celui-ci soit enlevé. Le lendemain, la veuve de l’intéressé envoie une lettre ouverte à ce dernier, où elle invoque l’infinie probité de son mari et exprime la douleur que lui a causée l’annonce de la disparition de son effigie675. Les accusations proférées à l’encontre de Gustave Humbert ne résistent pas au procès. Elles sont cependant davantage écartées que démontées. Sur simple déclaration faite par Thérèse Humbert au début des auditions, l’honnêteté de l’ancien homme d’État ne sera plus remise en cause676. La presse, quant à elle, se satisfera de l’explication pourtant indigente fournie par d’anciennes fréquentations du professeur de droit, notamment l’ambassadeur de France à Constantinople : Ernest Constans, qui a connu Gustave Humbert sur les bancs de la Faculté de droit de Toulouse, lui impute pour seule faute d’avoir été « un naïf et un simple »677. La justification est faible. D’autant que si les accusations d’accointance avec le prétendu « lobby juif » ne peinent pas à être remises en cause, le rôle du défunt dans les prêts consentis à son fils et à sa belle-fille ne sera jamais clairement défini.

La facilité avec laquelle le défunt ministre républicain est mis en accusation dans la presse est la conséquence de l’image fortement dépréciée du professeur de droit qui se consacre à la politique. Son intégration d’une carrière politique suffit à soupçonner que Gustave Humbert était en réalité à la recherche de son profit personnel. N’avait-il pas 673 Les réticences quant à l’investissement de certains enseignants en politique sont bien présentes au sein des facultés. Les notes des doyens pointant du doigt ces professeurs qui semblent délaisser ce qui devrait être leur priorité sont autant de manifestations des réticences du corps à l’égard de ce type de comportement. Ces dernières n’éclatent cependant jamais aux yeux du grand public. La cohérence apparente du corps enseignant des facultés de droit est ainsi assurée.

674 Le Journal, 1902/05/23 (n°3523), p. 1.

675 « Une lettre de Mme Veuve Humbert », Le Journal, 1902/05/25 (n°3524), p. 1.

676 Le Temps, 1903/01/10 (n°15184), p. 2.

d’ailleurs accepté le mariage de Frédéric à la fille Daurignac parce-qu’elle lui avait fait miroiter deux confortables héritages dont elle devait jouir un jour678 ? Aucune frontière n’est tracée entre la volonté d’ascension bourgeoise et la participation à des manœuvres frauduleuses ayant pour but l’enrichissement. L’un et l’autre semblent liés de manière indéniable aux yeux d’un public adepte de schémas simplificateurs. Souffrant des travers communs à l’ensemble des hommes politiques, celui-ci semble plus que les autres, être un traître à son état. Alors que l’amélioration de la condition financière du professeur est censée lui permettre d’abandonner toute autre activité rémunératrice, l’occupation d’un poste politique source de revenus est un péché de gourmandise, d’autant plus grave qu’il exerce une profession d’où la recherche de la fortune doit être exclue. De surcroît, lorsqu’il est rompu aux choses juridiques, le professeur est gardien, à travers son savoir, d’une arme puissante que son esprit scientifique doit se contenter d’étudier et de transmettre, ce à quoi il contrevient dès lors qu’il met ses connaissances au service d’une cause politique, autant dire d’une cause personnelle. Le professeur de droit ne demeure pas moins un animal politique. Sous couvert d’un désengagement exigé par la science, le corps enseignant des facultés de droit, en se débarrassant de l’influence des détenteurs constitutionnellement reconnus du pouvoir politique, construit en réalité son propre espace politique. Le champ universitaire devient ainsi le théâtre d’une politique institutionnelle dans lequel le corps acquiert le monopole de la violence légitime.

§2. La clôture du champ universitaire comme espace politique réservé

Depuis son rétablissement napoléonien, l’Université a connu une forte dépendance au pouvoir politique. L’accès à la carrière universitaire était alors fortement conditionnée par les accointances politiques des candidats avec le pouvoir en place. Les facultés de droit figuraient même au centre du dispositif de contrôle étatique, puisqu’elles 678 Benjamin F. Martin, The Hypocrisy of Justice in the Belle Epoque, op. cit., p. 83.

constituaient le maillon décisif par lequel réussirait l’entreprise napoléonienne de codification du droit, puis sa pérennité679. C’est pourquoi elles se voyaient imposer jusqu’à leur philosophie d’enseignement par le pouvoir à travers la méthode exégétique, et même le contrôle des plans de cours, à partir du Second Empire680. En même temps que les enseignements se libéralisent sous la République, les enseignants eux-mêmes se détachent peu à peu de la tutelle politique (A). Cela ne signifie pas pour autant que les considérations politiques deviennent étrangères au fonctionnement du corps lui-même. Sous couvert d’une indépendance découlant des exigences d’impartialité de la science, les professeurs de droit réservent en effet leur propre espace politique. L’affaire Charles Lyon-Caen, qui provoque la démission du doyen de la Faculté de droit de Paris, en est l’illustration (B).