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A - Les procédures d’attribution des crédits

Différents modes de sélection des bénéficiaires des mesures sont utilisés dans le cadre du plan de relance : commande publique, aides de guichet, appels à manifestation d’intérêt, appel à projets nationaux et régionaux. Ces différentes modalités d’attribution des aides se traduisent par des délais de mise en œuvre plus ou moins longs.

1 - La commande publique

Dans le cadre de la commande publique, ce sont les règles classiques de mise en concurrence qui s’appliquent, en tenant compte des seuils de montant au-delà desquels des formalisations particulières des marchés doivent être suivies. Les délais de traitement peuvent être relativement rapides pour des montants faibles mais, au-delà des seuils, ils restent soumis aux règles d’élaboration et de publication des marchés, puis d’analyse et de sélection des offres reçues.

À cet égard, la loi d’accélération et de simplification de l’action publique76 (loi « Asap ») a accéléré les procédures et simplifié l’accès des PME à la commande publique. Le relèvement temporaire à 100 000 € du seuil de dispense de publicité et de mise en concurrence pour les marchés de travaux, la possibilité pour les entreprises en redressement judiciaire bénéficiant d’un plan de redressement de soumissionner aux marchés publics, la part minimale de 10 % réservée aux PME dans le cadre des marchés globaux ont permis d’élargir les bénéficiaires du plan de relance via la commande publique.

Ces mesures ont été complétées par une modification du cadre réglementaire des avances : seuil minimal de 20 % pour les marchés de l’État conclus avec les PME (et 10 % pour les marchés des grosses collectivités territoriales), déplafonnement total du montant des avances, suppression de l’obligation de demander une garantie à la première demande.

2 - Les mesures de guichet

L’instruction des dossiers se limite à la seule vérification juridique de l’éligibilité du bénéficiaire et peut s’avérer extrêmement rapide, sous réserve des moyens dont dispose l’instructeur pour faire face à l’afflux de demandes.

Schéma n° 2 : aides dites « de guichet »

Source : Cour des comptes

Certains dispositifs revêtent même un caractère automatique ne nécessitant pas le dépôt d’une demande par le bénéficiaire. C’est le cas par exemple de l’aide à la relance de la construction durable (ARCD77) qui ne nécessite aucun dépôt de dossier de la part de la commune. L’aide est calculée automatiquement78, sur la base des permis de construire délivrés entre le 1er septembre 2020 et le 31 août 2021 et enregistrés dans la base de données Sitadel79.

76 Loi n° 2020-1525 du 7 décembre 2020.

77 Doté de 350 M€, ce dispositif prévoit le versement d’une aide forfaitaire de 100 € par m² de surfaces de logement construit au-delà d’un seuil de densité pour les programmes d’au moins deux logements autorisés à la construction.

En complément de ce forfait, les opérations de transformation de bureaux en logements et les opérations dans des opérations d’aménagement exemplaires bénéficient d’un bonus.

78 Décret n°2021-1070 du 11 août 2021, et arrêté d’application du 12 août 2021.

79 Sitadel est le « Système d’Information et de Traitement Automatisé des Données Élémentaires sur les Logements et les locaux ». Cette base de données recense l’ensemble des opérations de construction à usage d’habitation (logement) et à usage non résidentiel (locaux) soumises à la procédure d’instruction du permis de construire.

Le versement des aides est réalisé au niveau départemental. Il est à noter cependant que l’automaticité et la simplicité de l’aide semble avoir réduit sa visibilité, les maires n’ayant pas toujours eu connaissance de son existence. Une sous-consommation de l’enveloppe budgétaire a été constatée, et une évolution du dispositif a été annoncée par le Premier ministre lors du congrès HLM des 28-30 septembre 2021.

3 - Les appels à projet

Dans le cadre des appels à projets, les dossiers sont sélectionnés sur la base de critères précisés dans des circulaires spécifiques. Ils nécessitent des phases d’instruction plus longues et l’éventuelle concertation entre plusieurs acteurs80.

Par exemple, dans le cas du fonds de modernisation du secteur aéronautique, la sélection des dossiers a été opérée au terme d’une confrontation des avis de l’administration centrale (la direction générale des entreprises – DGE), des services déconcentrés (les Dreets81) et de l’opérateur (Bpifrance). Pour assurer la rapidité de mise en œuvre de l’aide, le délai d’instruction a été restreint, notamment en limitant l’audition des porteurs de projets.

De même, dans le cas des dotations d’investissements aux collectivités territoriales, avec une enveloppe totale de 2,5 Md€, les préfectures ont été chargées de fixer un calendrier contraint de candidatures et de sélection des projets. Cette sélection a été confiée aux préfets de région, en lien avec les préfets de département82. En ce qui concerne les critères de sélection, la capacité du porteur du projet à le mettre en œuvre rapidement – afin de permettre une consommation rapide des crédits – figure en première position des critères rappelés dans les instructions des dotations exceptionnelles mises en œuvre en juillet et novembre 202083. En août 2021, plus de 2,3 Md€ (en AE) au titre des trois dotations exceptionnelles avaient été consommés, soit 91 % de l’enveloppe totale

L’itération de certains dispositifs en plusieurs appels à projets successifs a permis d’améliorer la procédure d’attribution des crédits. Les enseignements de la première édition du fonds friches ont par exemple conduit à la simplification des modalités de mise en œuvre lors de la deuxième édition, en assurant une convergence de l’appel à projets national opéré par l’Ademe et des appels à projets régionaux pilotés par les préfets de région. De même, en matière de modernisation de l’appareil de production aéronautique, l’instruction des projets a été modifiée en 2021 pour tenir compte des difficultés rencontrées lors de l’appel à projet 2020 (délais d’instruction non complètement maîtrisés compte tenu du nombre très important de dossiers, nécessité d’harmoniser et standardiser les critères de sélection des projets etc.).

80 89 appels à projets nationaux liés au plan de relance ont été ouverts (au 15 décembre 2021) et sont listés sur la page internet Appels à projets | economie.gouv.fr. À titre d’exemple, la liste des appels à projets relatifs au volet compétitivité figure en Annexe n° 6 :.

81 Directions régionales de l’économie, de l’emploi, du travail et des solidarités. Les Dreets sont issues de la fusion, au 1er avril 2021, des directions régionales des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l’emploi (Direccte) et des directions régionales de la cohésion sociale (DRCS).

82 Les DSIL exceptionnelles et de rénovation thermique suivent le même canal que la DSIL classique.

83 Pour la mesure de rénovation thermique des bâtiments de l’État, ce critère de rapidité d’exécution des travaux a également été pris en compte, complété du nombre de kWh économisés grâce aux travaux.

Schéma n° 3 : appels à projet dans le cadre du soutien à la filière aéronautique – modalités en 2021

Source : Cour des comptes

4 - Les appels à manifestation d’intérêt

L’appel à projet peut parfois être précédé d’une phase d’appel à manifestation d’intérêt, visant à faciliter l’identification de la cible du dispositif, sa portée et les orientations des critères de sélection. Il peut également permettre d’inciter le public cible à préparer des projets en amont de la phase concrète d’appels à projet.

Schéma n° 4 : appel à manifestation d’intérêt (AMI)

Source : Cour des comptes

Le recours à un appel à manifestation d’intérêt permet de mieux définir l’appel à projet et, in fine, de choisir les projets répondant le mieux aux besoins84. Il a néanmoins l’inconvénient d’allonger les délais avant l’engagement des opérations.

5 - Une mise en œuvre rapide du plan, cohérente avec l’objectif de relance mais qui n’est pas sans inconvénients

La mise en œuvre du plan de relance a dans l’ensemble répondu à un objectif de rapidité, avec l’ambition de parvenir à engager 80 Md€ de dépenses85 dans un délai de deux ans. Le respect de cet objectif a notamment reposé sur la recherche active de candidats pour les aides, la mise en place de concertations ad hoc entre acteurs et le choix de critères de sélection privilégiant la rapidité d’engagement des projets, avec toutefois un risque de moindre exigence sur la qualité de la dépense. De fait, beaucoup d’appels à projet ont rencontré un vif succès et se sont terminés très vite au cours de l’année 2021.

84 La liste des 9 AMI ouverts dans le cadre du plan de relance est exposée en Annexe n° 5 :.

85 Hors baisse des impôts de production.

Même si l’administration s’en défend, cette rapidité d’exécution a pu avoir pour contrepartie une moindre exigence dans la sélection des projets retenus, avec un risque d’effet d’aubaine, notamment parce qu’elle a reposé sur des critères simples, avec une conditionnalité limitée et sans ciblage. C’est le cas, par exemple, des mesures de soutien à la demande en véhicules propres. Elle a également conduit à retenir les projets déjà existants, qui ne nécessitaient pas d’expertise longue, et à l’inverse à écarter certains projets, pourtant en accord avec les priorités du plan, mais dont le temps de préparation n’était pas compatible avec les délais du plan de relance. Les exigences de rapidité apparaissent même dans certains cas difficiles à respecter (cf. encadré ci-dessous).

La mesure de soutien à la transition énergétique des équipements sportifs

Le plan de relance gouvernemental prévoit une enveloppe de 50 M€ pilotée par l’Agence nationale du sport (ANS) dont 25 M€ sont gérés au niveau national lorsque la demande de subvention est supérieure ou égale à 0,5 M€, l’autre part étant gérée par les services déconcentrés. L’objectif est de permettre une économie d’énergie de 30 % après travaux d’équipements sportifs détenus par les collectivités qui sont les bénéficiaires de ce dispositif.

Pour cette enveloppe nationale, 54 projets ont été adressés à l’ANS dont 33 seulement ont été déclarés éligibles et complets86, pour un montant sollicité de 32,1 M€, en regard des 25 M€

disponibles. La Cour a contrôlé un échantillon de 12 dossiers ayant fait l’objet d’un rejet pour inéligibilité ou d’une attribution. Elle a pu dresser les constats suivants :

- le cadre d’instruction a été clairement fixé par une note de service et l’ANS a formé les correspondants départementaux ;

- l’instruction des projets à deux niveaux (d’abord territorial puis national) a permis d’écarter 21 projets qui n’étaient pas éligibles87 ; cette situation interroge toutefois sur la qualité des instructions menées dans les services territoriaux, qui semblent avoir laissé le niveau national arbitrer certains dossiers déclarés éligibles à leur niveau ;

- pour certains dossiers retenus, la présentation de la performance énergétique après travaux pouvait reposer sur des éléments déclaratifs ;

- le calendrier très tendu entre la publication de la note de service, le 25 février 2021, et la date butoir pour déposer les dossiers, le 16 avril 2021, fragilise l’effet incitatif du dispositif qui aura moins suscité de nouveaux projets que facilité le financement de projets existants, produisant mécaniquement des effets d’aubaine ;

- il apparaît que certaines conditions de financement ne sont pas tenables : les porteurs de projet devaient en principe notifier les marchés de travaux aux entreprises avant le 31 décembre 2021, ce qu’un nombre croissant d’entre eux jugeait intenable88.

86 3 dossiers avaient par ailleurs été retirés en amont.

87 Les dossiers sont déposés par les porteurs de projets auprès des services déconcentrés de l’État en charge des sports qui les instruisent en termes d’éligibilité, de conformité et de complétude puis les transmettent au Service des équipements sportifs de l’ANS.

88 Le principe selon lequel les travaux pouvant être subventionnés devront impérativement être terminés le 31 décembre 2022 sera également à ajuster. Dans sa réponse à la Cour sur le plan de relance, l’ANS précise que depuis septembre 2021, un état des demandes de paiement reçues et des versements effectués est établi à chaque fin de mois. Au 21 octobre 2021, 690 000 € ont été décaissés. Au niveau régional, un reliquat non attribué d’un montant de 1 968 314 € devait être redistribué aux territoires demandeurs d’ici la fin d’année conformément à la décision du Conseil d’administration de l’Agence du 7 octobre 2021.

Enfin, si de nombreux services en charge des mesures du plan de relance ont engagé une recherche active de candidats et si l’assouplissement des règles de la commande publique a élargi ce périmètre (notamment aux PME, cf. supra), il n’est pas certain que, dans les faits, tous les bénéficiaires potentiels du plan de relance en aient profité dans les mêmes conditions, s’agissant notamment des communes rurales ou des TPE.

Pour les communes rurales, les difficultés proviennent notamment d’un déficit de moyens en ingénierie nécessaire à la préparation des dossiers de candidature. Des dispositifs de soutien ont été mis à disposition en 2021 pour aider certains bénéficiaires potentiels à concevoir et à consolider des projets. Ces dispositifs ont pu ou non être abondés financièrement par le plan de relance. L’Agence nationale de cohésion des territoires (ANCT) a ainsi adopté le 10 mars 2021 les principes de soutien à l’ingénierie, afin « d’en assurer l’équité et de répondre au mieux aux besoins des collectivités en fonction de leur fragilité objective »89. Toutefois, selon l’association des maires ruraux de France, les aides à l’ingénierie mises en place par l’ANCT ne l’ont pas été suffisamment aisément et rapidement en 2021 pour inciter certaines communes, notamment rurales, et les EPCI à construire des projets susceptibles d’être financés par le plan de relance.

Le soutien à l’ingénierie au bénéfice des collectivités territoriales outre-mer (30 M€) Le fonds outre-mer 5.0 (FOM) destiné à financer des études et des projets contribuant à l’atteinte des objectifs de la trajectoire outre-mer 5.0, a été doté en 2021 de 30 M€ en AE, issus du plan de relance, afin de financer des actions d’assistance à maitrise d’ouvrage (AMO) et d’ingénierie, avec un objectif d’engagement de CP de 15 M€ par année.

La lettre d’engagement de l’opérateur, l’Agence française de développement (AFD), prévoit pour 2021 que les actions financées par le FOM visent en priorité l’assistance à maîtrise d’ouvrage pour la mise en œuvre des projets des collectivités dans le cadre de leurs programmations pluriannuelles d’investissement. Les projets en lien avec le plan de relance doivent être priorisés. Pour bénéficier du fonds, les collectivités prennent contact avec l’AFD, la préfecture ou le haut-commissariat afin d’exprimer leur demande. 100 % des autorisations d’engagement ont été consommées en 2021 (soit 30 M€) et 31 % des crédits de paiement (4,5 M€)90.

S’agissant des TPE et des artisans, même si certaines mesures leur étaient ouvertes (par exemple la rénovation énergétique des bâtiments publics), celles qui leur étaient directement accessibles sont restées limitées : le fonds de transition doté de 3 Md€91 vise principalement les entreprises de taille intermédiaire et grandes entreprises ; les « obligations relance » et les « prêts participatifs relance » visent principalement les PME et ETI ; la baisse de CVAE concerne les entreprises réalisant plus de 500 000 € de chiffre d’affaires hors taxes ; concernant le développement des compétences, la priorité a été donnée davantage aux salariés (abondement du fonds national pour l’emploi) qu’aux indépendants et artisans. En tout état de cause, aucune évaluation chiffrée de l’accès des très petites entreprises et des artisans aux mesures du plan de relance n’était disponible au moment de la rédaction de ce rapport.

89 Cour des comptes, Les finances publiques locales 2021, fascicule 2, novembre 2021.

90 Sources : Cour des comptes, note d’exécution budgétaire 2020 relative à la mission Outre-mer, disponible sur www.ccomptes.fr, et Cour des comptes d’après DGOM (* décret n°2021-84 du 28 janvier 2021).

91 Lancé officiellement le 27 septembre 2021, le fonds de transition doit permettre d’accompagner de façon ciblée les entreprises les plus touchées par la crise sanitaire et dont le rebond risque d’être plus long. Il s’agit notamment des entreprises des secteurs tels que ceux de l’hôtellerie-café-restauration, tourisme, événementiel, commerce, distribution, transports, etc.