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B. La VE-cadhéine : stabilité des jonctions et contrôle de la perméabilité

II. Partenaires et interactions de la VE-cadhérine

2. α-caténine

2.1. Structure et caractérisation des interactions de l’α caténine

L’α caténine a une structure différente des autres caténines et elle participe aussi aux jonctions adhérentes. Elle est constituée de trois Vinculin Homology Domain (VH) et forme de multiples

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43 faisceaux d’hélices comprenant principalement quatre hélices-α comme dans la structure des domaines de la vinculine. (Hartsock and Nelson, 2008)

L’α-caténine interagit avec la β-caténine par son domaine N-terminal (Figure 12). Grâce à son domaine central, elle interagit avec les protéines liant l’actine (actin binding protein) telle que

la vinculine. À l’aide de son domaine C-terminal, l’α-caténine se lie aux filaments d’actine du

cytosquelette. (Takeichi, 2018)

Jusqu’en 2005, l’α-caténine était considérée comme une protéine intermédiaire connectant la β-caténine l’actine du cytosquelette permettant ainsi la stabilisation du complexe jonctionnel à

base de VE-cadhérine via un ancrage aux filaments d’actine.Cependant, cette conclusion a été

remise en question après la découverte que l’α-caténine ne peut interagir simultanément avec la β-caténine et les filaments d’actine dans un modèle de liaison in vitro. En effet, l’α-caténine

sous sa forme homodimérique se lie aux filaments d’actine et induit leur polymérisation. En

revanche, elle ne peut interagir avec la β-caténine que sous sa forme monomérique en raison de chevauchement entre la séquence d’interaction et celle d’homodimérisation entre les résidus 57-143 sur l'α-caténine (Figure 12). (Drees et al., 2005; Yamada et al., 2005)

Figure 12. Représentation schématique de l’α caténine et de ses interactions protéiques.

Figure 12. Représentation schématique de l’α caténine et de ses interactions protéiques. L’α- caténine interagit avec la β-caténine via une séquence entre les AA 54 à 148 ; avec la ZO-1 via une séquence entre les AA 631 à 906, avec l’actine via le domaine Vinculin Homology Domain 3 (VH3). La zone encadrée représente la séquence de dimérisation de l’α-caténine, qui est chevauchante avec la séquence d’interaction avec la β-caténine. (Hartsock and Nelson, 2008)

Pour expliquer la possibilité d’interaction de l'α-caténine à la fois avec la β-caténine et avec les filaments d’actine, il a été suggéré que le regroupement des cadhérines au niveau des jonctions adhérentes engendre une augmentation locale des taux de l’α-caténine membranaire et favorise son homodimérisation dans le cytosol. Ce modèle prédit que l'interaction de l'α-caténine avec

44 le complexe cadhérine/β-caténine est dynamique ce qui permet à l'α-caténine monomérique de se dissocier du complexe jonctionnel afin de s’homodimériser dans le cytoplasme. (Drees et

al., 2005; Hartsock and Nelson, 2008)

La dissociation entre l’α-caténine et la VE-cadhérine est nécessaire pour la perméabilité

vasculaire et le recrutement leucocytaire. Une étude in vivo a été menée sur des souris

génétiquement modifiées qui expriment la protéine de fusion VE-cadhérine-α-caténine. Ces

souris transgéniques présentent des jonctions inter-endothéliales fortement stabilisées, provoquant une résistance de ces souris à l’induction de la perméabilité endothéliale par le VEGF ou l’histamine ainsi qu’au recrutement des lymphocytes et des neutrophiles aux sites inflammatoires. (Schulte et al., 2011)

L’α-caténine possède des sites de phosphorylation tels que les résidus S655, S652 et S641. Il a été montré que l’α-caténine est phosphorylée sur la S641 par la caséine kinase 2 (CK2), ce qui semble favoriser d'autres phosphorylations séquentielles par CK1 sur les résidus S652, S655 et T658. La surexpression des mutants phosphomimétiques ou non phosphorylables de ces résidus

in vivo chez la drosophile et in vitro dans les cellules épithéliales Madin-Darby Canine Kidney

(MDCK) suggère que la phosphorylation de la S641 de l’α-caténine favorise la fonction

adhésive de cette dernière avec la cadhérine. (Escobar et al., 2015)

Des études de « knock-out » ciblées montrent que l'α-caténine joue un rôle indispensable dans l'adhérence cellulaire et la morphogenèse des tissus. Il a été montré in vivo que la drosophile

déficiente en α-caténine présente un dysfonctionnement de l'embryogenèse et de l'ovogenèse.

Ces défauts ont été associés à une perte de fonction de la cadhérine.(Sarpal et al., 2012)

2.2. Rôle non jonctionnel de l’α-caténine

L’α-caténine non jonctionnelle peut jouer différents rôles. Cette caténine peut être un

effecteur nucléaire inhibiteur de la β-caténine. Il a été rapporté que l'α-caténine est colocalisée

avec la β-caténine dans le noyau. L’inhibition de la β-caténine avec un ARN interférent a

favorisé la redistribution de l’α-caténine dans le cytoplasme. Ceci démontre que la localisation

de l’α-caténine dépend de la β-caténine. De plus, l’α-caténine inhibe la transcription de certains

gènes sous l’influence de la voie de signalisation Wnt/β-caténine. Ainsi, les fibroblastes de peau

humaine déficients en α-caténine et activés avec Wnt3a montrent une expression accrue de

45 Récemment, il a été montré que l’α-caténine sous sa forme homodimérique ne participant pas

à la formation des jonctions, est recrutée à la membrane plasmique à l’avant des cellules

migrantes d'une manière dépendante de la phosphatidylinositol 3-kinase (PI3K). La transfection

stable de cellules de carcinome épidermoïde A431D (caractérisée par l’absence d’expression

de cadhérines et de caténines) avec un plasmide codant pour la protéine de fusion GFP-α-

caténine a révélé une localisation membranaire de cette α-caténine exogène. Dans la même

étude, il a été montré par résonnance plasmonique de surface que l’homodimére de l’α-caténine

fixe sélectivement les vésicules lipidiques contenant du phosphatidylinositol-3,4,5- trisphosphate (PIP3) avec une forte affinité. La fixation du PIP3 requiert les résidus basiques, lysine (K) 488, K493 et arginine (R) 496. Ainsi, le mutant KRR-α-caténine entraîne une diminution du recrutement membranaire, une adhérence inter-cellulaire faible et une migration cellulaire altérée. (Wood et al., 2017)

Les cellules en cours de migration établissent un axe de polarité avant-arrière. L’α-caténine

extra-jonctionnelle homodimérique est ancrée à la membrane plasmique en se liant au PIP3 (au niveau du point d’attaque) à l’avant des cellules en cous de mouvement (Figure 13). Suite à la phosphorylation de la β-caténine sur le résidu Y654, le complexe pY654-β-caténine/α-caténine jonctionnelle est transloqué vers le cytosol, où l’α-caténine se lie à p115RhoGEF et active la myosine-IIB au niveau péri-nucléaire sous l’action de RhoA. Cette voie de signalisation induite par le complexe α-caténine-β-caténine non-jonctionnelle permet de stabiliser la polarité avant- arrière de la cellule durant sa migration (Figure 13). (Takeichi, 2018; Vassilev et al., 2017)

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Figure 13. Exemples de fonctions de l’α-caténine jonctionnelle et extra-jonctionnelle.

Figure 13. Exemples de fonctions de l’α-caténine jonctionnelle et extra-jonctionnelle. (a) L’α- caténine jonctionnelle monomérique est importante pour la cohésion cellulaire en liant le complexe jonctionnel VE-cadhérine/β-caténine/p120 au cytosquelette d’actine. (b) L’α-caténine extra- jonctionnelle homodimérique est ancrée à la membrane plasmique en se liant au PIP3 (non illustré) à l’avant des cellules (leading edge) en cours de migration. Suite à la phosphorylation de la β-caténine sur le résidu Y654, le complexe pY654-β-caténine/α-caténine se dissocie des jonctions et migre vers le cytosol, où l’α-caténine se lie à p115RhoGEF, puis active à son tour la myosine-IIB ce qui permet de stabiliser la polarité avant/arrière de la cellule. (Takeichi, 2018)