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2.1 Cadre légal

4.1.2 Évolution du cadre législatif

4.1.2 Évolution du cadre législatif

Pour compléter le tableau du contexte dans lequel intervient le présent rapport d’observation, nous souhaiterions encore évoquer quelques-unes des modifications législatives ou réglementaires relatives à notre champ d’observation.

De la LASI à la LIASI

La révision de la Loi sur l’aide sociale individuelle (LASI), combattue par référendum par la gauche, les syndicats et les milieux associatifs œuvrant dans le domaine du social, a été acceptée en votation populaire en novembre 2011 et est entrée en vigueur en 2012 sous le libellé de Loi sur l’insertion et l’aide sociale individuelle (LIASI). Depuis cette révision, la mission de réinsertion professionnelle et sociale a été attribuée, pour les chômeurs en fin de droit, à l’Hospice général (article 2). Cela est notamment dû à la suppression du revenu minimum cantonal d’aide sociale (RMCAS). « La LIASI consacre en effet la fin du RMCAS, un régime cantonal spécial créé en 1995 face au phénomène du chômage structurel, et qui permettait aux chômeurs en fin de droit de ne pas émarger à l’aide sociale. Selon le Conseil d’Etat, le régime du RMCAS n’aurait pas atteint ses buts, notamment du fait que certaines personnes y demeuraient de nombreuses années, sans parvenir à se réinsérer sur le marché du travail. Avec la LIASI, le Conseil d’Etat avait l’intention d’instaurer un dispositif « plus efficace », avec notamment l’investissement de 20 millions dans des mesures de réinsertion » (OASI, 2015, 5) « L’ensemble des chômeurs en fin de droit du canton de Genève n’a droit à une aide financière qu’à des conditions bien plus restrictives qu’avant, les barèmes de l’aide sociale étant nettement plus bas que ceux du RMCAS ; un nombre non négligeable de personnes se retrouve donc sans aucune aide. » (OASI, 2015, 11).

Au vu de cette nouvelle tâche de réinsertion professionnelle, l’Hospice général a mis en place de nouvelles dispositions : check-list, stages d’évaluation, division des tâches entre les Centres d’action sociale (CAS) et son nouveau service spécifique, le Service de réinsertion professionnelle (SRP). Parallèlement à ces changements, la révision de la LASI ouvre certaines prestations aux personnes suivies par l’Hospice général :

« la possibilité pour certains bénéficiaires de la LIASI d'avoir accès aux mesures cantonales en matière de chômage : Allocation de retour à l'emploi (ARE), Emplois de solidarité (EdS), Allocation de formation (AFO), ainsi qu'aux mesures prévues par la loi fédérale sur l'assurance-chômage (LACI) » (OASI, 2015, 11).

D’autres changements ont également eu lieu. Nous rappelons tout d’abord que le supplément d’intégration, délivré dans le cadre de la signature d’un Contrat d’aide sociale individuelle (CASI), est passé de CHF 300.–

à CHF 225.–, dès janvier 2015. D’autre part, une nouvelle disposition introduit la notion de prime cantonale

 

charge par l’aide sociale, afin d’encourager les usagers à opter pour des modèles d’assurance moins onéreux (réseau de santé, médecin de famille ou franchises maximales). Il faut noter que si certaines dispositions ont été prises afin que les usagers ne soient pas prétérités par les délais imposés par les caisses maladie pour modifier les modalités de contrat d’assurance, les barèmes d’entrée à l’aide sociale ont été durcis. Pour terminer en ce qui concerne la LIASI, il convient de relever que la disposition figurant à l’article 60, alinéa 12 – qui prévoit un alignement sur l’ex-LRMCAS des maxima de loyers et de la franchise sur le revenu – n’a toujours pas été appliquée. Cela alors même qu’elle avait été expressément votée par la Commission des affaires sociales et ratifiée par le parlement lors du vote final en février 2011.

Une tendance à la pénalisation de la pauvreté

La tendance générale à une pénalisation, voire à une criminalisation de la pauvreté, décrite au point 3.3.3 du présent travail, est palpable en Suisse et à Genève. Plusieurs évolutions législatives en attestent, plus particulièrement dans le domaine du droit des étrangers. La pénalisation de la mendicité à Genève en 2008, qui interdit cette pratique sur le territoire cantonal et la sanctionne d’une amende, en est symptomatique.

La modification de la loi fédérale sur les étrangers de 2008, imposant la dénonciation des personnes étrangères bénéficiant d’aides sociales aux services cantonaux des migrations et ouvrant la possibilité d’une annulation de leur permis, l’est également. En effet, « depuis le 1er janvier 2008, les autorités d’aide sociale doivent communiquer spontanément aux services des migrations le versement de prestations de l’aide sociale à des étrangers, sauf si la personne concernée possède une autorisation d’établissement et séjourne en Suisse depuis plus de quinze ans (art. 82, al. 5, OASA; 97, al. 3, let. d, LEtr) » (Fauchère, 2016, 2). Cette disposition, qui s’inscrit dans le cadre de politiques sociales restrictives à l’égard de personnes n’ayant pas la nationalité suisse, n’implique cependant pas un renvoi automatique des personnes en situation de dépendance au système d’aide sociale. « Les conditions et les cas dans lesquels une personne risque ou non de perdre son droit au séjour pour cause de dépendance à l’aide sociale » (Fauchère, 2016, 2) varient en fonction des cantons et doivent répondre au principe de la proportionnalité. Dans un message de 2002 qui commentait cette évolution de la législation, le Conseil fédéral affirmait que « la révocation de l’autorisation d’établissement en cas de dépendance durable et importante vis-à-vis de l’aide sociale sera exclue si la personne concernée séjourne en Suisse de manière ininterrompue depuis plus de quinze ans. On tient compte ainsi du degré élevé d’intégration ; la révocation serait alors disproportionnée. Même si les conditions légales qui permettent de prononcer la révocation d’une autorisation d’établissement sont réunies, les autorités doivent encore respecter le principe de proportionnalité qui exige que la mesure prise soit raisonnable et nécessaire pour atteindre le but d’intérêt public ou privé poursuivi » (Fauchère, 2016, 11). Même si le nombre de renvois prononcés dans ce type de cas était relativement faible à Genève en 2016, se situant à 1,88 renvoi sur 10000

 

étrangers pour un total de 37 personnes3, il n’en demeure pas moins que cette menace pèse sur la décision de personnes étrangères précarisées nécessitant un accès à des prestations sociales d’y recourir ou non.

La situation en matière de risque de renvoi pour les personnes étrangères dépendantes de l’aide sociale pourrait prochainement se durcir. Un projet de loi fédérale prévoit notamment de supprimer la limite de 15 ans figurant dans la loi (Fauchère, 2016, 11). De plus, les chambres fédérales planchent sur une révision de la loi visant à restreindre l’accès aux aides sociales pour les personnes étrangères. Enfin, la pratique des cantons en matière d’application de la loi pourrait également évoluer. « En période de durcissement par rapport à l’aide sociale, le lien entre aide sociale et perte du permis de séjour risque également de gagner en importance » (Fauchère, 2016, 14).

Une modification de l’article 148a du Code pénal de 2016 s’inscrit également dans la lignée de diverses réformes que l’on peut qualifier de courant visant à la pénalisation de la pauvreté. Cette réforme fait de la fraude à l’aide sociale une infraction pénale et instaure une double peine pour les étrangers qui y contreviendraient en rendant possible leur expulsion du territoire. En octobre 2016, un courrier émanant du Département de l’emploi, des affaires sociales et de la santé (DEAS) a été adressé à l’ensemble des bénéficiaires de prestations complémentaires, d’aide sociale ou de subsides à l’assurance maladie, pour les informer de modifications du code pénal pouvant potentiellement les concerner. L’article 148a prévoit la poursuite pénale de toute personne ayant indûment perçu des prestations sociales. Cette correspondance annonçait également qu’il serait renoncé à poursuivre pénalement celles et ceux qui, concernés par ce cas de figure, s’annonceraient spontanément avant le 31 décembre 2016. Quant à l’article 66a, il « imposera au juge de prononcer l’expulsion de Suisse, pour une durée de 5 à 15 ans, de toute personne étrangère qui aura été condamnée pour un certain nombre d’infractions, y compris celles rappelées ci-dessus », à savoir percevoir indûment des prestations sociales. Alors que le principe de la proportionnalité prévaut en ce qui concerne le renvoi de personnes étrangères qui perçoivent des aides sociales sans s’être rendues coupables de fraude, tel n’est pas le cas pour les personnes étrangères qui auront été reconnues coupables de ce chef d’accusation.

Dans le cas d’une fraude, le code pénal se montre restrictif et ôte au juge une grande partie de sa marge d’appréciation : « le juge pourra exceptionnellement renoncer à une expulsion lorsque celle-ci mettrait l’étranger dans une situation personnelle grave et que les intérêts publics à l’expulsion ne l’emportent pas sur l’intérêt privé de l’étranger à demeurer en Suisse (nouvel art. 66a al. 2 CP) ». Il faut souligner la sévérité de ces deux dispositions : elles prévoient de poursuivre pénalement des infractions qui, dans la majeure partie des cas, relevaient jusqu’alors du droit administratif. Il apparaît de surcroît qu’à faute égale, un étranger sera                                                                                                                                        

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plus durement pénalisé qu’un Suisse : de fait, il subira une double peine. Par ailleurs, il faut également souligner que cette pénalisation est d’autant plus étonnante du fait qu’en Suisse, la soustraction fiscale ne constitue pas une infraction pénale. Ainsi, dans ce pays, si faire perdre de l’argent à l’Etat en « oubliant » de déclarer un compte en banque dans sa déclaration d’impôts représente une infraction administrative, faire perdre de l’argent à l’Etat en « oubliant » de déclarer un compte constitue désormais un délit pénal lorsque l’on est pauvre et que l’on recourt à l’aide sociale.

Par ailleurs, nous pouvons souligner un conditionnement de l’accès à certaines aides délivrées par l’Etat.

Pour avoir accès à certaines prestations sociales, les subsides à l’assurance maladie ainsi que les PCFam, les usagers doivent être en règle avec l’administration fiscale cantonale. En sanctionnant ainsi les personnes qui n’ont pas rempli leur déclaration d’impôts dans les temps, le législateur éloigne de ces prestations des personnes qui les nécessitent et dresse une barrière à l’accès aux droits. Enfin, il semble important de souligner la multiplicité de minima vitaux (annexe 7) en vigueur dans le canton de Genève, qui se basent principalement sur le critère de la citoyenneté afin d’accorder des aides sociales aux différentes catégories de la population. Ce pluriel paradoxal laisse à penser que les montants permettant de couvrir les besoins vitaux sont relatifs à certains groupes de la population.