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PARTIE I LES DONNÉES DES RADARS POLARIMÉTRIQUES ET LEUR

6. Apport des données radar à l’inventaire et la cartographie des milieux humides :

6.3. Études avec les données polarimétriques

6.3.1. Hydrologie

Il n’existe pas beaucoup d’études ayant utilisé la phase polarimétrique14 pour la caractérisation de l’hydrologie des milieux humides. La végétation émergente sur le pourtour des plans d’eau complique la délimitation du périmètre d’inondation et mène souvent à une sous-estimation du niveau d’eau et par extension du volume d’eau dans un réservoir (Figure 6.3-1). Celà est attribuable aux conditions mixtes de taille et de densité de la végétation émergente qui produisent une grande diversité de rétrodiffusion radar. Il est donc nécessaire d’utiliser à la fois l’amplitude et la phase pour faire face à cette diversité. Horritt et al. (2003) mentionnent que l’amplitude et la phase sont nécessaires pour améliorer la cartographie de la végétation émergente et par extension de la position du rivage et ainsi du niveau d’eau.

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C.-à-d. la différence de phase HH-VV, la différence de phase circulaire RR-LL ou la différence de phase d’une base quelconque. La différence de phase entre deux images (l’interférométrie) n’est pas ici concernée.

Figure 6.3-1 : L’effet de la végétation sur l’estimation du niveau d’eau

Source : Horritt et al. (2003)

La caractérisation de l’hydrologie des tourbières profiterait de l’utilisation de la phase issue d’une décomposition polarimétrique puisque cette dernière semble plus sensible aux propriétés du sous-sol à une profondeur importante que l’intensité du signal (Lasne et al., 2003, Touzi et

al., 2007; 2009, Touzi et Gosselin, 2010). Tel que mentionné, ce sujet sera traité en détail dans

la partie V de la thèse. Il apparait important pour ce type d’application d’utiliser une plus grande longueur d’onde (bande L) pour favoriser une plus grande profondeur de pénétration du signal sous la surface (Touzi et Gosselin, 2010). Cependant la résolution spatiale du capteur est également importante, comme l’a souligné Racine et al. (2005), puisque l’humidité volumétrique de la tourbe peut être fortement variable sur de faibles distances. La fine résolution spatiale du capteur Convair-580 pourrait expliquer la bonne séparabilité obtenue entre les bogs et les fens herbacés avec la phase polarimétrique pour le site de la Mer Bleue (Touzi et al., 2007) malgré l’utilisation de la bande C.

6.3.2. Écologie

Plusieurs études comparent la multipolarisation et les paramètres issus d’une décomposition polarimétrique quant à leur apport respectif à l’identification des occupations du sol. Les résultats présentés dans Lee et al., (2001) montrent clairement que la polarimétrie radar, incluant la phase, apporte toujours une amélioration de la classification par rapport à l’utilisation des canaux de polarisation HH, HV et VV en puissance. Cette amélioration est parfois marginale pour certaines "classes simples" comme les sols dénudés, l’eau où les classes comportant une forte proportion de rétrodiffusion volumique. La polarimétrie radar montre cependant son plein potentiel pour les classes où plus d’un mécanisme de rétrodiffusion est présent, généralement un mécanisme associé à la structure de la plante et une

96 autre à celui du substrat. Le même type d’analyses avec les mêmes données a été repris dans Ainsworth et al., (2009) en incluant les modes de polarimétrie compacte / 4(Souyris et al., 2005) et CTRL (transmission circulaire et réception linéaire, Raney, 2007). Les résultats de la classification supervisée par maximum de vraisemblance (basé sur la distribution de Wishart) ont montré que la polarimétrie n’a offert qu’une performance globale légèrement supérieure par rapport à la polarimétrie compacte en bande L (quadpol= 81.8%,/ 4=80.9% et CTRL=73.6%).

Si une classification pour un milieu donné s’en tient à des classes générales (sol dénudé, eau, forêt, bâtiments), ou encore à des classes possédant une forte composante volumique, l’apport de la polarimétrie peut être marginal par rapport à la multi-polarisation ou aux modes de polarimétrie compacte. C’est surtout pour les milieux hétérogènes ou les mécanismes de diffusion se superposent sans que le signal ne soit saturé (et fortement dépolarisé) que la polarimétrie offrira les meilleurs rendements. Cette observation rejoint le concept du gradient de végétation du centre à la bordure des tourbières mentionné dans Bernier et al. (2003), dans Toyra et al., (2001) ainsi que dans Augusteijn et Warrender (1998). Par exemple, si les tourbières ouvertes (rétrodiffusion de surface) et les forêts sur substrat sec (rétrodiffusion volumique) sont faciles à classifier, la zone de transition (tourbière boisée) constituée de diverses classes de densité/hauteur l’est beaucoup moins et constitue la principale source d’erreur.

Le rassemblement des types de végétation en classes physionomiques (structurales) a été exploré pour la classification des pâturages en Australie dans Hill et al. (2005). Dans cette étude la structure a surtout été étudiée du point de vue de la contribution de la canopée à la rétrodiffusion totale pour 15 classes de prairies identifiées basée sur les paramètres de Freeman et trois fréquences (C, L et P). Les auteurs mentionnent que le principal apport des images optiques (Landsat) repose sur l’identification des zones couvertes de végétation verte15 alors que l’apport des images radars a été l’identification des classes de hauteur dans les formations herbacées et la discrimination entre les milieux agricoles et les formations herbacées des prairies naturelles. De plus, l’hétérogénéité des prairies naturelles rend les

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classes de hauteur, de structure et de densité plus utiles que les classes basées sur le type de végétation.

En dehors d’un cadre purement théorique, peu d’études se sont penchées sur la comparaison de l’apport des différentes techniques de décomposition (voir chapitre 3) sur le milieu à caractériser. Un exemple d’une telle étude est offert dans Alberga et al. (2008) pour les milieux urbains et dans McNairn et al., (2009) pour les milieux agricoles. En général, la tendance consiste plutôt à utiliser des paramètres issus de plusieurs techniques de décomposition et laisser au classificateur (SVM, arbre hiérarchique…) la tâche de sélectionner les meilleurs paramètres (Lardeux et al., 2009; Zou et al., 2010).

La décomposition de Touzi (Touzi, 2007a) appliquée à de données polarimétriques provenant du RSO aéroporté CONVAIR (bande C) a montré des résultats prometteurs pour la caractérisation de diverses classes de milieux humides (marécages, marais, fen herbacé, bog à arbrisseau, et bog boisé) et milieux secs (Forêt et agriculture). Il a été montré (Touzi 2007a, Touzi et al., 2009) que le type de rétrodiffusion ( ) et sa phase (s1s1) sont nécessaires pour une bonne caractérisation des milieux humides de la tourbière de la Mer Bleue près d’Ottawa (45°24'21''N, 75°29'37''W). La phase s1 s’est révélée être l’élément clé dans la distinction entre les fens herbacés pauvres et les Bogs à arbrisseaux (shrub bog), notamment par la capacité de la phase à détecter la présence d’eau sous la surface. Cette observation a été confirmée dans Touzi et Gosselin (2010) pour la tourbière de la Baie des Mines (46°22'30''N, 72°42'53''W), un des sites à l’étude dans notre recherche (voir partie III). En ce qui concerne la structure, la seconde hélicité ( ) s’est montrée importante dans Touzi et al. (2009) pour la 2

discrimination entre les tourbières à arbrisseaux et tourbières boisées avec, en plus, une sensibilité à la présence ou non d’aiguilles dans les peuplements de mélèzes. La capacité du type de rétrodiffusion dominant ( ), de la phases1s1, de l’amplitude maximale (m ) et de la 1

première valeur propre ( ) pour une caractérisation détaillée des mécanismes de 1N

rétrodiffusion présents dans les marais à Typha a aussi été démontré dans Touzi et al. (2009). Cette caractérisation de la tourbière de la Mer Bleue basée sur les paramètres de la décomposition de Touzi représente une amélioration évidente des résultats par rapport a ceux obtenus par Baghdadi et al. (2001) pour le même lieu et le même jeu de données (Tableau 6.2-4).

CHAPITRE 7