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Définition du DSM-

1.2 Étiopathogénie et psychopathologie

D'un point de vue épidémiologique, une étude rétrospective a montré une prévalence significative des traumatismes de l’enfance, abus sexuels, séparations prolongées et négligences chez les patients présentant un trouble borderline (124). Selon cette étude les individus état limite sont plus exposés à des expériences traumatiques subies dans l'enfance que les individus des groupes comparatifs atteints d'autres troubles de la personnalité. En effet, un nombre important de patients état-limite ont déclaré avoir subi des agressions sexuelles durant l'enfance (70% des femmes et 45 % des hommes). Ces agressions sont par ailleurs également fréquentes chez les patients atteints d'autres troubles de la personnalité (45 % des femmes et 25 % des hommes). Le taux et la gravité des agressions subies durant l'enfance chez les patients état-limite sont largement supérieurs à ceux des patients souffrant d'autres troubles de la personnalité (123).

De nombreux autres auteurs ont également constaté chez les individus état-limite une fréquence élevée de traumatismes subis durant l'enfance, principalement à type d'agression physique ou sexuelle (125,126,127,128,129,130,131,132).

Cependant, la notion de traumatisme précoce ne semble pas être une condition nécessaire ni suffisante pour l'instauration du trouble de personnalité limite, comme en témoignent d'autres travaux analysant des groupes de populations ayant subi une agression sexuelle (133) ou des sévices physiques (134) durant l'enfance et ayant pour résultat que la plupart de ces individus (80%) n'ont pas développé à long terme de trouble de la personnalité limite une fois adultes.

Ainsi, le traumatisme subi durant l'enfance est un facteur de risque qui affecte surtout un sous- groupe spécifique, le groupe des patients qui ont subi les agressions les plus graves. Les expériences vécues durant l'enfance et constituant des facteurs de risque peuvent être classées en trois catégories: traumatisme, séparation ou deuil (perte) en bas âge et anomalies des rapports parentaux (135). Chacun de ces facteurs est plus fréquent chez les patients état-limite que chez les patients de groupes comparatifs présentant d'autres troubles de la personnalité.

Ces traumatismes précoces et répétés durant l'enfance ont un impact sur la maturation cérébrale des individus, pouvant entrainer une modification structurelle lors du développement de l’hémisphère cérébral droit se manifestant par des déficits fonctionnels comme une «inhabilité fondamentale à réguler ses états émotionnels sous stress» (136,137).

Ces traumatismes entraveraient le développement du cortex orbitofrontal notamment au niveau des connexions avec le système limbique (régulant l'agressivité, l'impulsivité et la peur) (83) conduisant

certains auteurs à développer un modèle intégratif regroupant « l'ensemble des données empiriques cliniques, génétiques, neurobiologiques et psychosociales » sur le trouble borderline (18). M. Linehan estime ainsi que des « interactions entre facteurs développementaux invalidants et dysrégulation émotionnelle » pourraient être à l'origine d'un trouble borderline (84).

Devant l'importante proportion de ces traumatismes précoces, certains auteurs ont d'ailleurs été amenés à considérer l'état limite comme un trouble post-traumatique consécutif aux traumatismes chroniques vécus dans l’enfance (140), l'hémisphère cérébral droit de l'individu état limite comportant une fragilité (141,142). Ces sujets ont ainsi des difficultés pour réguler de façon appropriée leurs émotions de peur provoquées par les événements traumatiques. Les individus état limite ont donc un risque multiplié par deux de développer un état de stress post-traumatique qu'un sujet indemne de pathologie psychiatrique dans les suites d'un événement traumatique de même intensité (52,8 % versus 34,3 %) (140).

Il est également à noter que dans la grande majorité des cas les agressions subies durant l'enfance ne sont pas isolées mais se déroulent dans un contexte de vie familial déviant et dysfonctionnel empreint de violences, toxicomanie constituant un climat insécure (144).

Cependant, l'impact global du traumatisme n'est significatif que si l'on tient compte des prédispositions biologiques qui rendent le sujet plus sensible aux effets du traumatisme, et de l'impact d'une exposition chronique et répétée à de multiples risques (145,146).

Durant les dernières années, les travaux de recherches sur le trouble borderline se sont concentrés sur le début précoce de ce trouble (147), et en particulier sur la relation entre troubles précoce de l'attachement et émergence d'un trouble de personnalité limite. Du fait de traumatismes multiples durant l'enfance (abus sexuels, agressions physiques, négligence parentale...) se développe une désorganisation du système d’attachement (148). Cet attachement insécure constitue un facteur de risque du trouble limite, engendrant une « instabilité du soi » (149).

Il a en outre été constaté chez ces enfants une accélération de l’apoptose des neurones de la liaison système limbique-lobes frontaux réduisant leur capacité de régulation émotionnelle (150). Cette observation rejoint les travaux de M. Stone, qui a proposé « un modèle étiopathogénique biopsychosocial », insistant sur la présence d'une prédisposition intrinsèque à l'individu au niveau d'un « dysfonctionnement limbique » (151).

La personnalité limite est en définitive un trouble complexe dont l'étiologie serait multi-factorielle, fait d'interactions entre fragilité biologique d'origine génétique et environnement. Un enfant

génétiquement prédisposé et exposé à des facteurs de risque aura plus de probabilité de développer une pathologie une fois adulte qu'un sujet non prédisposé ayant vécu les mêmes traumatismes. Ces traumatismes de l'enfance ne peuvent donc pas être interprétés comme des causes directes car bien qu'ils soient fréquents chez les individus borderline, ils ne sont pas présents de façon systématique et leur existence ne constitue pas directement la cause du trouble borderline (152). Sur la plan biologique, la recherche s'est portée sur la « vulnérabilité structurale, neurochimique et génétique ». Le taux d'héritabilité de l'impulsivité a ainsi été estimé à 80% (36).

L'étude menée par S. Torgersen (15) portant sur des jumeaux a mis en évidence que 69% des symptômes seraient génétiquement hérités, les 31% restant seraient le fait de l'impact environnemental sur l'individu et sa structure psychique.

Ainsi, certaines études pointent « une dimension tempéramentale, donc héritable de névrosisme (propension à éprouver des affects négatifs, comme la colère, la dépressivité, l'anxiété) » chez les patients état limite. D'autres auteurs soulignent « le rôle du néocortex dans la dysrégulation des affects et des impulsions, ainsi que la diminution d'activité du système sérotoninergique intracérébral » (18).

D'autres travaux comme celui de A. Caspi et al. (155) tendent à établir une corrélation entre le risque de dépression, les antécédents de maltraitance et l'allèle s du gène du transporteur de la sérotonine 5-HTT situé sur le chromosome 17 (36). Ces travaux montrent qu'il existe « un polymorphisme fonctionnel dans la région promotrice du gène du transporteur de la sérotonine (5- HTT) atténuant l’influence d’événements stressants de la vie sur les symptômes dépressifs ». Les individus avec une ou deux copies de l'allèle court du polymorphisme du promoteur 5-HTT présentent plus de symptômes dépressifs, d'épisodes dépressifs majeurs et de comportements suicidaires au cours de leur vie que les individus homozygotes pour l'allèle long. Cette étude met ainsi en évidence les interactions gène-environnement.

Concernant l'âge de début du trouble, bien que le DSM-5 recommande de ne pas poser de diagnostic de trouble de la personnalité avant l’âge de 18 ans, le diagnostic d'état limite est bien souvent évoqué avant par de nombreux cliniciens devant des symptômes clairs et durables dans le temps.

En ce qui concerne le profil évolutif de ses patients, le taux de rémission est important dans les études de suivi, de l'ordre de 74% après 6 ans ; 88% après 10 ans. Ces rémissions sont stables dans le temps, avec moins de 10% de recrudescence symptomatiques. Il est à noter que la rémission est vue au sens d'une réduction du nombre de symptômes passant sous le seuil diagnostique et non au sens d'une disparition complète du trouble (163).

Ainsi, moins de la moitié des individus état-limite présentent de manière continue un nombre de critères suffisant au diagnostic (156,158).

Ces auteurs ont classé les symptômes en deux parties, une première comprenant la colère et le sentiment d’abandon et étant continue et stable dans le temps et une seconde comprenant l’auto- agressivité et les tentatives de suicide, plus fluctuante et inconstante au cours de l'existence.

L'étude de suivi longitudinal Mclean Study for Adult Development montre que les caractéristiques les plus stables dans le temps sont « les réponses affectives à la solitude », « l'insatisfaction liée aux soins » et « la dépendance vis-à-vis d'autrui », les symptômes comportementaux ayant tendance à s'amender avec le temps (158).

Concernant les diagnostics faits précocement, à l'adolescence, les taux de rémission sont également importants (159).

Le pic de fréquence de survenue du trouble borderline se situerait vers l’âge de 14 ans (160). Durant leur existence le fonctionnement des sujets état-limite est perturbé de manière significative, empreint d'instabilité relationnelle, professionnelle avec de multiples pertes d'emploi, affective avec multiples ruptures sentimentales (162). Le trouble limite perturbe plus lourdement le fonctionnement global des individus que ne le font les autres troubles de la personnalité ou la dépression (163,164).

Des études font d'ailleurs état d'une surconsommation par les patients état limite de traitements médicamenteux psychotropes ainsi que de soins médicaux, en particulier de suivi et d'hospitalisation en milieu psychiatrique en comparaison d'autres patients psychiatriques (156).