• Aucun résultat trouvé

119 Supplementary material

IV. R ÉSULTATS C OMPLÉMENTAIRES

Comme mentionné en préambule (cf. section II.1), la collecte et l’analyse de certains individus mexicains ont mis en évidence l’existence d’une espèce ou sous-espèce, encore non décrite qui se rajouterait donc aux autres espèces associées aux Pinaceae actuellement connues, à savoir L. occidentalis et L. corculus.

Au niveau mondial, le genre Leptoglossus Guérin-Méneville 1831 compte 53 espèces décrites (Heidemann 1910; Allen 1969; Brailovsky & Barrera 1998; Packauskas & Schaefer 2001; Brailovsky & Barrera 2004). Bien que les informations sur la biologie et par conséquent sur les plantes hôtes ne soient pas disponibles pour certaines espèces, la majorité d’entre elles sont associées aux Angiospermes et seulement quatre ont été observées sur Gymnospermes :

L. clypealis, est communément observée sur Juniperus spp., mais ses autres plantes hôtes

correspondent à des Angiospermes (Mitchell 2000).

L. oppositus, extrêmement polyphage, a été collectée sur pin blanc, Pinus strobus et cyprès

chauve, Taxodium distichum, et sur de nombreux Angiospermes répartis dans 20 familles et 27 genres (Mitchell & Wheeler 2008).

L. occidentalis, bien qu’observée sur Pistacia spp., est associée plus généralement aux

Pinaceae.

L.corculus semble strictement inféodée aux pins (Heidlin et al. 1980).

Au Mexique, 16 espèces du genre Leptoglossus sont connues (Cibrian-Tovar 1995; Brailovsky & Barrera 1998; Packauskas & Schaefer 2001; Brailovsky & Barrera 2004). Parmi les quatre espèces observées sur Gymnospermes et citées précédemment, seules trois d’entre elles (L. clypealis, L. occidentalis et L. oppositus) y sont présentes et L. corculus n’a jamais été observée à ce jour dans ce pays (H. Brailovsky comm. pers.).

Néanmoins, les individus mexicains utilisés dans notre étude (soit sept larves de différents stades et seulement trois adultes) ont tous été collectés sur Pinus cembroides dans la localité de Santiago de Anaya dans l’Etat de l’Hidalgo (environ 100 km au Nord de Mexico), ce qui laissait supposer leur appartenance à l’espèce L. occidentalis, seule espèce mentionnée sur le genre Pinus dans la littérature. Les analyses génétiques, effectuées sur une patte de chaque spécimen (permettant donc de revenir à une étude morphologique a posteriori) ont montré que seuls une larve et un adulte correspondaient réellement à des L. occidentalis. Les stades larvaires ne permettent pas l’utilisation des clés de détermination pour valider un nom d’espèce (Allen 1969; McPherson et al. 1990;

122

Brailovsky & Barrera 2004). Nous avons ainsi procédé à une observation plus fine des adultes :

Un premier examen morphologique des habitus permet d’écarter L. clypealis et L. oppositus. En effet, le tylus pointu caractéristique de L. clypealis est absent chez les adultes non-identifiés et l’extension foliacée de la patte postérieure s’avère lancéolée contrairement à

L. oppositus dont la dilatation extérieure est profondément échancrée.

L. occidentalis et L. corculus étant deux espèces aux habitus très proches, ce critère n’a pas

permis de distinguer ces individus. Nous avons donc utilisé des outils moléculaires pour clarifier leur statut taxonomique. Cependant, des examens morphologiques plus poussés et notamment l'utilisation de critères sexuels (genitalia mâle et femelle) seraient à rechercher sur des spécimens en meilleur état de conservation.

En parallèle à mes études de génétique des populations, j’ai donc entrepris une analyse phylogénétique préliminaire sur les individus qui étaient à ma disposition. Nous avons pu obtenir des spécimens de L. corculus ainsi que de L. phyllopus, espèce très polyphage et présente uniquement sur Angiospermes. Le fragment du gène mitochondrial (cytochrome b) a été séquencé pour quatre individus de chacune de ces deux espèces. Aux séquences obtenues, ont été ajoutées les séquences des différents haplotypes mexicains et des haplotypes " caractéristiques " de L. occidentalis (haplotypes majoritaires dans la zone d’origine et dans les zones d’invasions). Ces séquences ont alors été alignées avec Clustal W intégré au logiciel CodonCode (www.codoncode.com). Un arbre phylogénétique a ensuite été construit via la méthode de Neighbor-Joining (NJ) avec une distance de Kimura à 2-paramètres à l’aide du logiciel Mega 5.2 (Tamura et al. 2011). L’arbre a été enraciné avec la séquence de Riptortus pedestris (Heteroptera, Alydidae) obtenue via Genbank (n° d’accession EU427344). La robustesse des branches a été évaluée par bootstraps (1000 itérations).

L’analyse mitochondriale révèle que seuls deux individus mexicains (H9 et H18) correspondent à L. occidentalis, les autres spécimens mexicains (HM1 à 4) formant un groupe monophylétique clairement séparé (FIGURE 10). Ce groupe monophylétique ne correspond pas non plus aux séquences de L. corculus (Hcor1 et 2). Les résultats confirment en revanche les données de la littérature, c’est-à-dire la proximité génétique de L. occidentalis et L. corculus.

Malgré l'importance économique de différentes espèces du genre Leptoglossus (e.g. L. phyllopus, L. gonagra, L. occidentalis) (Mitchell 2000), certaines d’entre elles sont encore mal connues, voire non décrites. Aucune phylogénie n’a pour le moment été réalisée pour ce groupe, et nos résultats sont donc à considérer comme préliminaires et incomplets. Ils suggèrent l’existence d’une espèce cryptique (inconnue pour la Science) et soulignent clairement un manque de connaissance de ce groupe. En effet, d’autres espèces également présentes au Mexique semblent mal

Traçage génétique de l’origine des populations envahissantes en Europe

123

connues. Brailovsky et Berrara (2004) décrivent par exemple L. crestalis comme morphologiquement très proche de L. occidentalis et de L. corculus. Cependant, la biologie et les plantes hôtes de L. crestalis restent totalement ignorées du monde scientifique (H. Brailovsky comm. pers.). Cette espèce n’a pour le moment été observée que dans l’Etat de Veracruz, état frontalier du site de collecte des spécimens mexicains de notre étude.

FIGURE 10. Arbre phylogénétique de quatre espèces du genre Leptoglossus.

Cet arbre a été obtenu à partir des séquences du gène mitochondrial cytochrome b (méthode de Neighbor-Joining / distance de Kimura à 2 paramètres). Les nombres sur l’arbre représentent les valeurs en pourcentage du bootstrap (supérieures à 50%) calculées après 1000 répétitions. La longueur des branches est proportionnelle à la distance génétique. L’astérisque représente les deux individus mexicains de L. occidentalis (correspondant à deux haplotypes différents).

Il est actuellement impossible de conclure sur l’identification précise de nos spécimens mexicains, hormis qu’ils appartiennent au genre Leptoglossus et vivent en sympatrie avec

L. occidentalis dont ils partagent, au moins en partie, les mêmes plantes hôtes (e.g. Pinus cembroides).

Une étude complémentaire combinant morphologie et analyse génétique et intégrant un plus grand nombre d’espèces et d’individus permettrait certainement de statuer sur l’identification de cette espèce cryptique. Seule L. occidentalis possède le statut de ravageur des graines de conifères au Mexique (Cibrian-Tovar 1995), ce qui peut expliquer en partie le manque de donnée sur les autres espèces. Cette sympatrie pourrait fournir un nouveau modèle d’étude et apporter des possibilités intéressantes pour tester les interactions potentielles, la répartition des ressources alimentaires et le maintien ou non de l'isolement reproducteur entre ces espèces proches.

125

Partie II

Caractéristiques biologiques