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PARTIE I LES DONNÉES DES RADARS POLARIMÉTRIQUES ET LEUR

6. Apport des données radar à l’inventaire et la cartographie des milieux humides :

6.2. Études avec l’imagerie radar

6.2.2. Écologie

Tel que mentionné, l’analyse d’images radar multi-temporelles aide à délimiter le périmètre d’inondation des marais et marécages. Cependant la reconnaissance détaillée des classes de végétation à l’intérieur de ce périmètre est difficile si l’on se base exclusivement sur l’amplitude du signal radar, particulièrement lorsque une seule fréquence et polarisation sont utilisées. La reconnaissance devient davantage difficile dans le cas des tourbières ou même cette délimitation n’est pas réalisable. Les principaux résultats obtenus dans les études citées au Tableau 6.1-1 sont brièvement revus par la suite.

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Les zones hydrologiques sensibles (HSAs, Hydrologically sensitive areas.) se définissent comme étant les zones où la nappe phréatique est sporadiquement ou en permanence près où à la surface (saturation) ou encore lorsqu’une zone est inondée.

Multi-sources

Dans le cas de l’utilisation combinée avec des images optiques (Tableau 6.1-1-A), le rôle de l’imagerie radar est souvent confiné à la délimitation du périmètre inondé des marais et marécages tandis que les données optiques sont utilisées pour la reconnaissance des classes de végétation à l’intérieur de ce périmètre (par exemple, Arzandeh et Wang, 2002; Li et Chen, 2005; Bwangoy et al., 2010). Cependant même en utilisant des données optiques, la discrimination entre formations végétales de ces milieux humides n’est pas toujours aisée. Dans le cas de l’imagerie optique, il existe à la fois une confusion spectrale entre les milieux humides et les milieux secs mais également entre les divers types de milieux humides (Ozermi et Bauer, 2002; Poulin et al., 2002). L’identification des marais et des marécages au printemps pose généralement moins de problèmes comparativement aux milieux humides ayant des régimes hydriques plus secs, comme les tourbières, ou encore pour les marécages lorsque la biomasse foliaire est importante (Ozesmi et Bauer, 2002). Concernant les tourbières Poulin et

al. (2002) mentionnent la difficulté de les identifier sur les images multispectrales à résolution

moyenne (Landsat). Lang et al. (2008a) constatent quant à eux l’échec des techniques de cartographie traditionnelle des milieux humides en termes de faisabilité et de précision liés à la difficulté d’obtenir des images optiques sans nuages à intervalles répétés ou pour des questions de coûts (photographies aériennes et validation sur le terrain).

Texture

La texture des images radar (Tableau 6.1-1-B), quantifiée le plus souvent par les statistiques de 2e ordre issues des matrices de cooccurrence, est principalement utilisée dans le cas des tourbières (Bernier et al., 2003; Demers, 2005, Racine et al., 2005). À titre d’exemple, Demers (2005) utilise trois images RADARSAT en mode standard (S1 et S7) pour la classification d’un complexe tourbeux de la région de Radisson dans le nord du Québec. Plusieurs configurations et combinaisons de canaux de texture ont été utilisées, mais l’exactitude totale de la classification des canaux de texture basée sur le maximum de vraisemblance n’a jamais dépassé les 60%. D’importantes confusions ont aussi été observées entre les classes censées être représentatives d’une morphologie de tourbière et un regroupement des classes a été nécessaire (Tableau 6.2-2) afin d’améliorer l’exactitude de la classification qui a demeuré, quand même, inférieure à 75%. L’une des raisons évoquées était la taille de plusieurs éléments morphologiques (mares, lanières…) qui était inférieure à la résolution du capteur. Racine et

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al. (2005) emploie une méthodologie similaire pour le même secteur, mais avec des images

RS1 acquises en mode fin (F4). L’exactitude globale de la classification avec la meilleure combinaison de canaux de texture a été d’environ 35 % sans ou avec regroupement de classes de beaucoup inférieure à celle obtenue par Demers malgré une résolution spatiale trois fois supérieure (mode fin vs mode standard) et appariée à la taille des éléments morphologiques du milieu à classifier. Les auteurs évoquèrent à la fois une moins bonne résolution radiométrique du mode F4 et de dates d’acquisition ainsi que l’information complémentaire des angles d’incidence des modes S1 et S7 utilisées par Demers.

L’étude d’Arzandeh et Wang (2002) est un exemple d’utilisation de la texture pour la reconnaissance des classes des milieux humides autres que les tourbières. Les auteurs définissent les classes suivantes : forêt, urbain, Typha, Phragmite, marécages, herbes hautes, eau et agriculture. Ils proposent une méthodologie d’analyse de canaux de texture selon différents paramètres de calcul (fenêtre, pas et direction d’échantillonnage) afin de choisir le meilleur sous-ensemble possible de canaux de texture selon les caractéristiques de sites d’entraînement spécifiés par l’utilisateur. Ils constatent que c’est la taille de la fenêtre de calcul plus que le pas et la direction d’échantillonnage qui a le plus d’impact sur la définition des meilleures combinaisons des canaux de texture. Malgré tout, l’exactitude de classification ne dépasse pas les 75% comparativement à celle d’une image Landsat qui est supérieure à 90% avec les mêmes sites d’entraînement et les mêmes classes.

Multitemporel

Les études avec des séries d’images radar acquises surtout durant la période de croissance (Tableau 6.1-1-C) examinent la possibilité d’améliorer la reconnaissance des formations végétales en exploitant la dynamique temporelle des diverses classes de milieux humides. Si le recours à l’imagerie multitemporelle est fréquent pour la caractérisation et la classification des

Classes originales Classes regroupées Mares faible densité, mares forte densité, tourbière lanières et

mares, tourbière ridée, tourbière uniforme →

Tourbières ouvertes Tourbière boisée → Tourbières boisées

Eau (libre) → Eau Fen sur minéral, Surfaces nues, autres → Minéral

Tableau 6.2-2 : Regroupement des classes morphologiques

milieux humides, peu d’études abordent spécifiquement le problème posé par le traitement et la gestion des séries temporelles. L’une des raisons est que souvent on se limite à quelques images et ainsi des techniques simples telles le ratio ou la différence entre images peuvent être employées pour détecter les changements (voir Rignot et van Zyl, 1993). Pour les séries temporelles plus populeuses la technique de l’analyse en composantes principales est souvent employée (Moisan et al., 1999; Lang et al., 2008a). Martinez et Le Toan (2007) et Silva et al. (2010), pour leur part, proposent une série de mesures calculées par pixel de la série multitemporelle qui permettent de réduire la dimensionnalité d’images tout en rehaussant les contrastes temporelles entre les diverses classes.

Multi-angulaire

L’angle d’incidence apporte une information sur la structure des physionomies végétales car il définit la quantité du signal qui sera transmise ou atténuée par la canopée13. Si l’on dispose d’images d’un même secteur acquises selon des angles d’incidence différents, leur analyse combinée peut fournir d’informations complémentaires sur les classes de végétation, pourvu qu’il n’y ait pas un trop de décorrélation temporelle entre elles (Tableau 6.1-1-D). À titre d’exemple, Bernier et al. (2003) ont démontré la complémentarité des modes S1 et S7 de RADARSAT-1 pour l’amélioration de la classification des tourbières du Nord du Québec. Dans la même veine, Li et al. (2007) observèrent que les bogs ouverts ne sont pas discriminables des marais pour les angles d’incidence faibles, mais que la séparabilité devient bonne pour les angles d’incidence élevés.

D’autres études se concentrent plus sur la détection des périmètres d’inondation en fonction de l’angle d’incidence. Selon plusieurs les angles d’incidence faibles permettent une meilleure détection des périmètres d’inondations, car il y a une pénétration accrue des canopées végétales (Adam et al., 1998; Töyrä et al., 2001; Töyrä et Pietroniro, 2005). Par contre les angles d’incidence faibles, en l’occurrence les modes S1 et S2 de RADARSAT-1 et IS1 (15° à 29°) d’ENVISAT-ASAR sont très sensibles à la rugosité de la surface de l’eau induite par les vents. En présence de forts vents, des distinctions aussi simples que celle entre eau libre et végétation peuvent s’avérer difficiles (Ramsey et Laine, 1997; Bernier et al., 2003) car la

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Voir Kakischke et Bourgeau-Chavez, (1997); Townsend (2002) et Lang et al., (2008a,b) pour une modélisation par transfert radiatif de cet effet appliqué aux marécages.

92 rétrodiffusion des surfaces augmentera (présence de vagues). D’un autre côté, contrairement à ce que prédit la théorie, Lang et al. (2008b) n’ont pas trouvé d’évidence que les faibles angles d’incidence (≈25°) permettaient une meilleure détection des forêts inondées que les angles d’incidences plus rasantes (≈45°) pour différents types de physionomies arborées. La dépendance du signal à l’angle d’incidence semble plus grande pour les milieux ouverts (sphaignes) et la végétation herbacée des marais que pour les autres physionomies particulièrement pour les polarisations parallèles (Takada et Mishima, 2009).

Multi-fréquence et multi-polarisation

Les indices biophysiques de Pope (1994) reflètent bien l’approche multi-polarisée qui se base surtout sur des rapports de canaux de polarisations (Tableau 6.2-1).

[CSI] Indice de structure de la canopée = VV VVHH [BMI] Index de biomasse = 2 VVHH [VSI] Indice de diffusion volumique =           2 2 2 HV VH HV VH VV HH    

[ITI] Index du type

d’interaction =hhvv

Tableau 6.2-3 : Indices biophysiques radar

Source : Pope et al. (1994)

La popularité de ces indices tient à leur simplicité et à leur ressemblance avec les indices de végétation tirés des données multispectrales à moyenne résolution (par ex. SPOT ou Landsat). Il est toutefois possible de se questionner sur l’apport réel de ces indices. Par exemple, l’indice de biomasse (BMI) qui mesure la quantité relative de biomasse ligneuse par rapport la biomasse foliaire, exploite les polarisations linéaires HH et VV alors que la plupart des études empiriques ont démontré que l’estimation de la biomasse est meilleure avec la polarisation croisée (Ramsey et al., 1998). Ce problème est cependant soulevé par les auteurs mêmes qui mentionnent qu’il arrive que les indices BMI et VSI répondent de manière similaire à un changement de biomasse ou qu’encore l’indice VSI puisse donner une meilleure mesure de la biomasse. L’indice de la structure de la canopée (CSI), qui mesure l’importance relative des structures verticales par rapport aux structures horizontales, peut donner des résultats ambigus et doit être interprété conjointement avec la différence de phase hhvv qui correspond à l’indice du type d’interaction (ITI). Par exemple, un marécage et une forêt qui partageraient la même structure auraient une valeur de BMI très différente due à l’augmentation de HH causée par la rétrodiffusion double-bond (Pope et al., 1994). Même en l’absence d’inondation, il a été

rapporté que les variations de l’humidité du sol contaminent les indices biophysiques et qu’ainsi il est difficile de caractériser correctement la structure et la densité de la végétation (Kasishke et al., 2003). Ainsi, un examen attentif des indices biophysiques de Pope et des résultats présentés dans Pope et al., (1994) révèle avant tout l’apport de la fréquence plutôt que celui de la polarisation. Bien que les ratios de bandes présentés au Tableau 6.2-3 puissent exploiter l’information polarimétrique, il faut être prudent quant à l’élaboration d’indices qui imitent les indices de végétation du domaine optique, par exemple l’indice SARvi présenté par Stoll (2005). L’élaboration d’indices basés sur les images radars semble donner de meilleurs résultats lorsqu’une même polarisation est utilisée pour deux fréquences (Pope et al., 1994; Ranson et Sun, 1997) à condition que les deux fréquences aient été acquises simultanément pour éviter les effets de la décorrélation temporelle.

Les indices de végétation rehaussent la structure des diverses physionomies végétales mais normalisent l’information radiométrique qui est également importante de conserver. Une comparaison intéressante entre les paramètres de Pope et les canaux de polarisation HH, HV et VV est donnée dans Noernberg et al., (1999) et les auteurs montrent leur complémentarité.

La séparabilité entre diverses classes de milieux humides de la tourbière de la Mer Bleue (Ottawa) a été étudiée dans Baghdadi et al. (2001) basée sur les canaux de polarisation HH, HV et VV pour trois images Convair-580 (bande C) acquises la même année (Tableau 6.2-4). Les résultats présentés montrent qu’une polarisation/image n’est pas suffisante pour assurer une bonne séparabilité des diverses classes. En second lieu, les forêts sur substrat sec et les bogs arborés ne sont pas séparables en juin et juillet de même qu’il existe beaucoup de confusion entre les bogs arborés et les clairières. Autre fait important, c’est le canal croisé qui assure la séparabilité entre les bogs ouverts et les bogs arborés de même qu’entre les bogs arborés et les clairières d’où l’importance d’obtenir un excellent rapport signal sur bruit pour HV et VH.

94 Note : , i j i j i j S s s   =moyenne s=écart-type *Si j, <0.8 = mauvaise séparabilité *0.8 < Si j, 1.5 < = séparabilité moyenne *Si j, 1.5 > séparabilité complète

Note 1 : Nonforested bog = synonyme de Bog ouvert ou de Bog à arbrisseaux (shrub bog) Note 2 : Forested bog = Bog arboré ou encore bog forestier (treed bog)

Tableau 6.2-4 : Indice de séparabilité pour quelques classes de tourbière

Source : Baghdadi et al., (2001), p.81, table 3.

Baghdadi et al., (2001) rapportent une précision globale de 73%, 73% et 86% pour les images de juin, juillet et octobre respectivement en utilisant les trois polarisations. Les auteurs rapportent des résultats inférieurs de 10 à 30% lorsqu’une seule polarisation est utilisée pour une seule image.