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ÉCLAIRAGE HISTORIQUE

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Comme on le sait, dans le sillage d’un xix® siède fort mouvementé, le xx® siède fut pour le jeune État grec, un siède marqué aussi par des guerres que par d’importants changements politiques, économiques et sociaux. Le peuple grec s’est vu obligé de livrer de nombreux combats et accomplir bien des sacrifices, d’une part, pour libérer l’ensemble du territoire national du joug ottoman et délimiter les frontières de ce qui est aujourd’hui la Grèce et, d’autre part, pour arriver à imposer des gouvernements stables et une forme de justice sociale d’autaiht plus nécessaire qu’il a dû faire face à plus d’un million de réfugiés, dont le plus grand nombre provenant d’Asie Mineure et de la Mer Noire.

§ 1. Aperçu de l’histoire contemporaine grecque

Sans vouloir retracer l’histoire contemporaine de la Grèce, rappelons brièvement, pour mieux comprendre la suite de ce chapitre, qu’au début du

XIX® siècle, la Grèce n’avait pas encore connu un développement industriel semblable à celui de la plupart des pays d’Europe occidentale ; elle était encore fondamentalement agricole et disposait d’un appareil étatique rudimentaire mais très lourd, hérité de l’évolution tourmentée et instable d’un pays en voie de formation.

En fait, jusqu’en 1860, à l’exception de quelques importants travaux portuaires et dans le domaine de la communication, il n’y avait pratiquement pas eu de tentatives de la part du gouvernement grec de développer le secteur secondaire et, par conséquent, tout ce qui pouvait développer l’industrie. Cette situation n’a pas permis l’affirmation d’une classe sociale bourgeoise - et encore moins d’un prolétariat - prête à défendre ses intérêts et à s’organiser en conséquence. L’historien Yannis Kordatos, inspiré de méthodes marxistes, observe ce qui suit :

« En raison des particularités que présentait notre économie nationale, ses équipements techniques ont pris beaucoup de retard et dès lors les conditions objectives adéquates n’ont pas été réalisées, de même que les termes subjectifs analogues pour permettre la création d’une classe bourgeoise puissante d’une part, et d’un prolétariat d’autre part.

C’est à partir de 1880, que l’on a assisté au développement de nouvelles forces de production favorisant une croissance économique qui s’accompagnèrent d’une augmentation des activités de la bourgeoisie’^. En fait, la société grecque était encore principalement dominée par une oligarchie traditionnelle :

« Là où dominait le capital commercial se maintenaient les anciennes Idées et les anciens régimes sociaux.

Cette oligarchie traditionnelle a essayé de renforcer son pouvoir en cherchant à contrôler l’appareil étatique. Pour ce faire, elle s’est appliquée à monopoliser cet appareil en faisant notamment appel, en politique, au fameux clientélisme, comme c’était le cas également en Espagne et en Amérique Latine. En se référant à ce clientélisme, M. RIgos note qu’il se fondait sur différentes couches sociales :

Yannis K. KORDATOS, lOTopia iqç vecùiepqç EXXàôaç, {Histoire de la Grèce contemporaine) Vol. IV.(1860-1900),Ed. 20^® siècle, Athènes, 1958, p.8.

« Anô TLÇ LÔLopopcpieç triç eOvLKfjç paç OLKovopiaç KaOuaiÉprjcje noXû O tex’^lkôç eÇonAiaviôç xr|ç k«l étol 5ev 5rmLoupynOriKav ol

KaiàXXriXeç cxvt lke ipevKéç ouvOriKEÇ, KotOoç Ka l ol avâXoyo l

unoKE ipev LKO L ôpo L, Y>-a va oximcKTioOEL Loxupi^ aoT LKr| TâÇri anô ir] pià pEpiâ Kai npoXEiapiâTO anô xr^v ôtXXr). »

Ibid., p.lO. Ibid., p.l4.

« (...) navxoû ônou KupLâpxn'^^ EjjnopiKÔ KEcpàXaio

EniKpàxriaav k'En lÇriaofVE ol naXLÉç lôéeç KaL xa naXLâ kolvcovlk6£

KaOEOxôxa. » L'auteur insiste sur le fait que le développement commercial n'est pas suffisant pour provoquer des changements sociaux importants ; il faudra attendre le développement industriel pour ce faire.

« Nombreux mais isolés entre eux, conservateurs de nature, divers travailleurs et paysans rêvant de devenir de petits propriétaires, des couches sociales d’agriculteurs, liées entre elles en raison de; la façon ou de l’espoir d’obtenir une propriété (...) Des couches sociales qui, pour l’évolution petite bourgeoise de ses rejetons, agissent comme des réseaux stables de clientèle électorale des traditionnels "politiciens de vieille souche" locaux.

Les partis politiques qui commençaient à émerger, rencontraient des difficultés à s’organiser en s’appuyant sur un programme politique et idéologique bien déterminé puisque les classes sociales qu’ils auraient dû représenter étaient pratiquement inexistantes. L’on observe que tant la classe ouvrière que la bourgeoise ont acquis une véritable conscience de classe relativement tard’°^, pendant la période de l’entre-deux-guerres, lorsque l’on a assisté à l’irruption d’un marché national uni.

Alekos RIGOS, TTpoCTfyytaeiç veo£?iAr]v iKqç noAiT iKrjç, {Approches de la politique néo-hellénique), Papazisis, Athènes, 1990, p.93.

« Me yeyàXa apL0pr|TLKà, pa anopovupéva pEia^û touç (ol

ocypÔTcç) auvxripriT LK0£ anô ir| cpûar) touç, pLKpol5lOKxriT lk6( oto

ôpotpa noLKiXcùv EpyaaLuv Kai KaÀÀLEpYC i-6v, «ypoTi-Kà aipupaxa,

ÔEpÉva Xôya xpônou f| eXnlôaç anÔKxr|ar|ç i5 LOKxrioLaç, aXXôf Ka i

xauxôxpovriç unEpxpéoapç anô xo Kpàxoç Koft xouç niaxoTiKouç xou

prix®"^ Sxp6po£xa nou, yia xp pLKpoaaxLKf| avéXiÇp xcov véov

pXaaxapLüv xouç, ôpouv oç axa0Epa ôlkxu» ekXoylkpç neXaxELaç

xcov napcüôoaLaKov xoniKov "noXixLKÔv TÇaKLOv". »

Yannis K. KORDATOS, Histoire de la Grèce contemporaine Vol. IV. op.cit., p.l6. L'auteur note que le mouvement ouvrier en Grèce est né avec l'éclatement de grèves qui au départ étaient spontanées plutôt que dirigées (« O anepYicxKÔç ofu0opppx lapôç xouç 5ev ELvai Kaxà pà0oç napôt p epppuaKp popcpp xpç xa^LKpç auvELÔpapç xouç »). En outre, la bourgeoisie ne commence

vraiment à prendre de l'importance en tant que classe qu'entre 1880 et 1890, mais ce n'est qu'à partir de 1909 qu'elle

commencera à augmenter en nombre et à s'organiser. Yannis K. KORDATOS, laiopia xpç vécûtepqç EXXdôccç, {Histoire de la Grèce

contemporaine) Vol. V., 20®“® siècle, Athènes, 1958, p.l2. Voir aussi à ce sujet Nikos G. SVORONOS, Histoire de la Grèce

moderne. Que sais-je ?, Presses Universitaires de France, Paris, 1972, p.71 et du même auteur AvâXeKza veoeAXqv iKfjç

lOTopîaç Kai lOTop loypacpiaç, {Mélanges d'histoire grecque moderne et d'historiographie), Themelio, Athènes, 1987, pp. 279 et suivantes.

Helli Alexiou ne manque pas de parler à plusieurs reprises de cette absence d’idéologie politique qui régnait à l’époque, et de s’accorder donc avec Yannis K. Kordatos’°^. Comme nous l’avons vu, elle s’y réfère tout particulièrement lorsqu’elle décrit la façon de penser de son père et de ses contemporains’®®. L’analyse de l’historien RIgos éclaire aussi cette suite d’allusions qui ont retenu notre attention ci-dessus, et montrent qu’elle avait acquis jeune une capacité d’observer et de juger avec discernement les événements.

Ce n’est qu’à partir de 1880, sous le régime de Charllaos Trikoupis, et après le ré-attachement de la Thessalie et de l’Arta à la Grèce en 1881, que commença une nouvelle période qui aurait pu avoir une importance décisive pour le pays quant à son évolution politique et économique. Certes, on assiste à une volonté de la part du gouvernement de promouvoir l’économie du pays’®® en essayant notamment de diminuer le gonflement de l’appareil étatique en freinant l’embauche démesurée de fonctionnaires de l’État. Toutefois, ces tentatives n’eurent pas les résultats attendus et ne produisirent pas les fruits escomptés"®.

La politique de Trikoupis et les différents changements de la structure économique grecque entre 1880 et 1910 qui s’en suivirent, ont contribué à la formation d’une classe moyenne bourgeoise qui avait commencé à remettre en question le monopole du pouvoir de l’oligarchie traditionnelle’’’. Quant à la classe ouvrière, elle n’arrivait pas encore à jouer un rôle déterminant sur la scène politique en raison de la rigidité des structures sociales, et à cause d’un manque d’organisation de la part des masses ouvrières et des syndicats qui, à l’époque, n’avaient pas bien défini les objectifs de leur lutte.

Voir à ce propos Yannis K. KORDATOS, op. ci t., Vol. IV, p.l4. À ce sujet on peut se référer au premier chapitre de cette première partie de notre étude.

C.M. WOODHOUSE, The Story of Modem Greece, Faber and Faber, London, 1968, pp.173-174.

Nikos G. SVORONOS, Histoire...^ op.cit., p.73. Yannis K. KORDATOS, Vol. V., op.cit., pp. 13-14.

Comme nous le verrons dans le paragraphe suivant, il faudra attendre l’entre- deux-guerres pour que le mouvement ouvrier"^ parvienne enfin à s’organiser et à revendiquer des droits.

C’est dans ce contexte qu’Helli Alexiou est née à Héraklion, quatre ans avant la dernière Révolution crétoise. Malgré plusieurs soulèvements armés pour se rattacher à la Grèce, la Crète se trouvait encore à l’époque sous domination ottomane'’^ Les Crétois nourrissaient cependant de nouveaux espoirs pour réaliser ce rattachement, mais de son côté, la Grèce était trop occupée à panser ses propres blessures. Elle essayait tant bien que mal de se redresser d’une occupation ottomane qui dura environ quatre siècles.

Hèlli Alexiou a connu, dès son plus jeune âge, des événements historiques marqués par de profonds changements sociaux, des conflits intellectuels et moraux, des contrastes idéologiques, des luttes politiques, etc. Elle a vécu une interminable série, si l’on ose dire, d’événements importants, dont certains furent également bouleversants, tels que la Révolution crétoise, ainsi que la guerre malheureuse gréco-turque de 1897”'* qui aboutit à une humiliation nationale et asservit le peuple crétois jusqu’en 1908, année où a été proclamée l’intégration de la Crète à la Grèce, qui toutefois ne s’est vraiment concrétisée qu’en 1913, au terme des guerres balkaniques.

Dans la première partie de son livre Affluents, Helli Alexiou se réfère à ce dernier soulèvement de l’île, en insistant surtout sur la façon dont les populations civiles vécurent cet important, mais également tragique, événement. Dans son récit elle décrit avec force les souffrances de ces populations, mais en même temps elle circonscrit les changements de mentalités lorsque les choses se sont rétablies. Citons un passage significatif, écrit dans un style proche de celui de N. Kazantzakis :

Nikos G. SVORONOS, Mélanges..., op.cit., pp.304 et suivantes. Sur la question de l'indépendance de la Crète, voir Yannis K. KORDATOS, op.cit., pp.279 et suivantes, ainsi que SP.B. MARKEZINIS, IIoXlx LKfj lOTopia xgç veaxépaç EXXâôoç 1828-1964,

(Histoire politique de la Grèce contemporaine 1828-1964), Vol.II., Papyros, Athènes, 1966, pp.274 et suivantes.

«La situation s’est arrangée dans l’île. Il y eut un remue-ménage, un bouleversement, des massacres, et maintenant de nouveau recommencent les : "Bonjour Hussein Agha", le Chrétien, et les : "Bonjour, Madame Rinaki" le Turc. Même Elénaki (...), qui était restée à moitié morte baignant dans le sang de sa mère et de ses sœurs, - on a d’abord massacré les deux dernières et ensuite la mère, et ils ont laissé Elénaki, et les Bourmades l’ont fêté l’un après l’autre sur les mains coupées et sur le sang de sa mère et des ses sœurs. Même Elénaki s’était maintenant mariée (...) Elle a même eu un enfant, Elénaki. Et seulement sur son visage l’on découvre une stupéfaction, une étourderie, dont on ne peut savoir si elle l’avait naturellement ou si elle l’a acquise depuis lors.

Alexiou souligne, avec lucidité, les marques que laissent dans l’âme les souffrances vécues. C’est là un trait permanent dans son écriture qui, souvent, reflète ses propres souffrances, son propre vécu. Il révèle, avec un réalisme incontournable, sa capacité d’écrivain de s’approprier l’histoire événementielle en l’associant avec de la fiction, mais une fiction qui se tient toujours à proximité de la réalité. C’est cette dimension narrative que nous souhaitons repérer dans son œuvre, et que la suite de notre travail tente de mettre en évidence. Mais en attendant, restons à cette époque de la révolution crétoise qui l’a beaucoup marquée, et qu’elle a su saisir comme un moment propice pour enraciner son statut d’écrivain.

Helii AiiEXIÔU, napaiiÔTaÿo i , (Affluents) , Kastaniotis, Athènes,' 1978, p.49-50.

« 'Ecpt r) KOfTaoiaari axo vrjaL. rLvr)ke r) cxvapnounoûÀa, o

avaaiaicùpôç, ol aKoiuyoL Kai i6pa nâÀL ÇavàpxLOOcv xa: "KaXaç xo

Xouaeïv Ayà" o XpiaxLOfvôç, k«l xa: "KaÀriuépa aaç, KUpta Pr)vâKri"/

O ToûpKoç. AKÔpa Kai xo EAevàKL (...), nou eixe anopeivei

P LOoneGaviévo péaa axa aipaxa xr^ç prjxépaç xou Ka l xcov a5epcpâ5cùv

xou, -acpaÇofve Ketveç xiç 6uo npôxa kl ûaxepa xp pocva, Kai xo

EXevàK L x'acpriaove Kai xo Y^svxf|aocvE oi Mnouppàôeç pe xp aeipà

nàvcù axa Koppéva x^P>-a Kai péaa axo atpa xpç pâvaç xou Kat xcdv

aôepcpàôcov xou. AKÔpa Kai xo EXevâKL Eixe xôpa navxpeuxei (...)

Exe L Kai naiôL Kapcapévo xo EXevàK l. Kai pôvo axo npoauno xpç

anôpeive nepixupévp pia aaaxipàôa, nou 5ev Çépeiç va neiç, xpv

Dans son livre Demeures en ruines, elle évoque ce qui s’est passé au mois d’août 1898, un mois qu’elle qualifie de « damné ».”*À la suite d’une attaque des Turcs qui s’est avérée être très violente, on compta de nombreuses victimes dans la population grecque de l’île et, parmi celles-ci, il y avait le frère de sa mère, l’oncle Kostis. Une fois encore l’histoire de la Grèce, associée à l’histoire de la famille, trace le canevas de son œuvre de créateur.

Mais les événements de l’époque se bousculent : en 1901, on assiste aux « Evangeliaka », en 1903 aux « Orestiaka » ; en 1905, c’est la « Révolte de Thérissos », au cours de laquelle, comme nous l’avons déjà mentionné dans le premier chapitre, le père d’Helli Alexiou est incarcéré d’abord en raison de ses idées progressistes, ensuite parce qu’on l’avait trouvé en possession illégale d’armes et enfin parce qu’il entretenait une correspondance avec des Révolutionnaires. Puis, en 1909, surgit, chez les militaires, le « Mouvement révolutionnaire de Goudi », qui exprime en Grèce, de profondes mutations sociales avec la montée de la classe bourgeoise, mais aussi des mutations politiques avec l’entrée en scène du « leader» crétois Eleuthérios Venizélos, qui détermine profondément l’histoire de la première moitié du XX® siècle.

C’est dans ce contexte historique agité que Helli Alexiou a grandi. Les souvenirs des premières années de sa vie furent imprégnés par les malheurs de la « Mère-Grèce ». Ces derniers allaient profondément marquer et de façon décisive le cœur et l’âme, tout comme l’esprit perspicace de cet enfant qui allait elle-même se battre plus tard pour un avenir plus humain, pour la liberté et pour la paix. Ses années d’adolescence et de jeune fille furent marquées par une époque riche à la fois de luttes armées et de conflits intellectuels et sociaux.

En 1912 et 1913 éclatent les guerres balkaniques, dont l’achèvement amorce, en 1914, la Première Guerre mondiale qui, au terme d’un massacre sans précédents et de multiples souffrances, contribue néanmoins à remettre en question toutes les idées existantes, inaugurant une époque porteuse de nouvelles pensées en rapport avec des bouleversements sociaux. C’est là le fonds à partir duquel l’œuvre d’Alexiou puisera ses premiers éléments.

Helli ALEXIOU, KaTepe incofiéva apxovT iKà, {Demeures en ruines), Kastaniotis, Athènes, 1978, p.31.

Comme nous l’avons dit précédemment, c’est d’abord en raison du milieu familial où elle a grandi que Helli Aiexiou avait été très vite initiée à suivre le cours des événements et à se tenir au courant des différents changements qui surgissaient. Elle a appris à analyser les situations et à se forger une opinion sur l’évolution politique et sociale non seulement de son pays, mais aussi de l’étranger. Ainsi, elle montrait un grand intérêt pour les nouvelles idées sociales qui avaient commencé à se propager et qui engendraient peu à peu des réformes, notamment dans le champ pédagogique et linguistique, domaines qui l’intéressaient tout particulièrement, et dont elle était prête à adopter ces nouveaux changements.

Au cours de la guerre, les événements « explosèrent *> violemment sur la scène internationale et nationale, avec, d’une part, la Révolution bolchevique en 1917 et, d’autre part, la division politique en Grèce entre les royalistes et les venizélistes, ce qui aboutit aux accords de Sèvres Oesquels accordèrent à la Grèce une partie de l’Asie mineure), puis la défaite de Venizélos aux élections de 1919 et, enfin, la catastrophe de l’Asie mineure en 1922. Suivit une période trouble d’instabilité politique qui alimente des crises gouvernementales successives et des coups d’État. Dans les années 30, lors de la montée du fascisme en Europe, la Grèce connaît la dictature de Métaxas.

Helli Aiexiou se bat alors, en tant que femme de lettres pour défendre les valeurs humaines et ce malgré la menace des arrestations et des interrogatoires. Elle est poussée par son amour et sa foi dans le peuple : « elle décida d’être le peuple »”^, selon l’expression du critique français Louis Roussel. C’est cette conviction d’ailleurs, qui la conduit à devenir membre du Parti communiste grec dont elle restera un fidèle partisan, une militante et une combattante jusqu’à la fin de sa vie. On l’a vu, lorsque éclate la Deuxième Guerre mondiale, avec ses conséquences tragiques sur le sort des peuples en général et de la Grèce en particulier, Helli Aiexiou vit au cœur des événements. Elle avait alors atteint un âge mûr, ses idées étaient bien précises et elle avait formé des opinions politiques et idéologiques claires. Pendant les années de l’occupation

Takis ADAMOS, Mia ^cûï) xai éva épyo ôoapéva otov ôrvdpcono. Mixpô AcpLÉpapa, (Une vie et une oeuvre vouées à l'homme. Dans

allemande, elle s’engagea dans un mouvement de Résistance et s’est trouvée à la tête d’un groupe d’enseignants et de personnalités du monde des lettres ayant rejoint les rangs de I’e.a.m., le Front national de libération”®. Là encore elle s’est battue pour le peuple et pour la nation aux côtés des communistes.

Cette adhésion d’Helli au mouvement communiste s’éclaire davantage si l’on circonscrit de plus près le statut du parti communiste à son époque.

§ 2. Helli Alexiou et le communisme

Le mouvement ouvrier grec présente, comme dans d’autres pays, plusieurs; particularités qui lui sont propres. La première caractéristique que l’on peut observer est que ce mouvement n’est pas le fruit de la désintégration d’un grand parti social-démocrate, contrairement à ce qui s’est passé dans la plupart des autres pays d’Europe occidentale, il n’existait pas en Grèce un mouvement socialiste uni avant la Révolution bolchevique de 1917. Comme l’écrit N.G. Svoronos :

«... les organisations ouvrières n’étaient jusqu’alors que des associations d’esprit plus corporatif et mutualiste que syndical.

Il existait, en effet, des groupes disséminés, surtout des intellectuels qui parlaient de « socialisme » (c’est ainsi qu’on traduisait communisme à l’époque) et qui étaient des bourgeois, pour la plupart originaires des îles Ioniennes. Rappelons à cet égard, que ces îles, voisines géographiquement de l’Italie, ne se sont jamais trouvées sous le joug ottoman ; elles étaient sous domination vénitienne, et c’est la raison pour laquelle leurs habitants, contrairement au reste de la population grecque, étaient plus ouverts et plus proches des nouvelles idées et rnouvements qui se développaient en Europe occidentale. Toutefois, les mouvements, qui y naquirent, se voulaient essentiellement intellectuels, et c’est pourquoi ils n’ont pas eu une grande incidence sur la société grecque ; ils sont demeurés relativement restreints. Le plus connu d’entre eux était le « mouvement radical ».

F. VOROS, op.cit.

A côté de ce mouvement de gauche, il existait un deuxième mouvement à cette époque, dirigé par les Juifs de Thessalonique. Ces derniers créèrent une organisation importante, la « Fédération » socialiste’^o, au début du XX« siècle, c’est-à-dire avant même que la ville de Thessalonique ne soit intégrée au nouvel État grec, intégration qui n’eut lieu qu’à la suite des guerres balkaniques en 1912. C’était d’ailleurs le seul mouvement ouvrier dans les Balkans qui faisait partie de la deuxième Internationale.

En 1910, l’on assiste à l’apparition de trois centres d’organisation des ouvriers : à Athènes, au Pirée et à Volos, composés principalement d’intellectuels et de travailleurs qui commencèrent à divulguer les idées socialistes et à faire bouger les choses. Ils ont contribué à asseoir les bases du

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